Par Carine Duchemin, Associée

Dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances pour 2021, nos députés ont adopté l’amendement n° II-3640 qui propose, conformément aux annonces du Gouvernement, de soutenir les entreprises locataires de moins de cinq mille salariés par la création d’un crédit d’impôt accordé aux bailleurs qui abandonnent les loyers dus par leurs locataires. 

Ce dispositif d’incitation des bailleurs complète l’article 3 de la 2ème loi de finances rectificative pour 2020 qui prévoyait la neutralisation fiscale d’un abandon de loyer pour les bailleurs. 

Rappel du dispositif existant

L’article 3 de la loi précitée permet aux bailleurs de déduire de leur résultat imposable les abandons de créances de loyers et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise et consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020. 

Cette déduction peut être pratiquée sans que le bailleur n’ait à justifier d’un intérêt particulier à cet abandon, en opposition avec la jurisprudence qui veut que soient regardés comme une libéralité les loyers abandonnés sans intérêt pour le bailleur en l’absence de circonstance indépendante de sa volonté. 

La charge déductible viendra en opposition du produit constaté en comptabilité à raison de la créance de loyers. 

Il est enfin précisé que cette mesure d’incitation n’est pas applicable lorsqu’il existe des liens de dépendance entre le locataire et le bailleur, sauf a démontrer que le locataire rencontre des difficultés financières et/ou de trésorerie.

Nouveau dispositif de crédit d’impôt du projet de loi de finances pour 2021

Bailleurs 

Seraient éligibles au crédit d’impôt les personnes physiques ou morales de droit privé, ce qui semblerait exclure les collectivités et autres personnes publiques, dont l’éligibilité au dispositif pourrait néanmoins faire l’objet d’un réexamen après évaluation par Bercy. 

Loyers abandonnés et locaux 

Les abandons de loyers devraient avoir été consentis au titre de la période d’application du reconfinement, c’est-à-dire à compter du 30 octobre 2020

Ils devraient porter sur des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours du reconfinement, ou où est exercée une activité d’un secteur listé par décret, soit essentiellement les locaux des entreprises des secteurs hôtellerie, café, restauration, cinémas et salles de spectacles, ou encore salles de sport et voyagistes

Locataires

Seuls seraient éligibles au crédit d’impôts les abandons de loyers consentis à un locataire qui remplit les critères suivants :

  • Avoir un effectif de moins de 5 000 salariés (avec une dérogation pour les associations assujetties aux impôts commerciaux), étant précisé qu’il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale ; 
  • Ne pas être en difficulté au 31 décembre 2019 au regard de la règlementation européenne sur les aides d’Etat ;
  • Ne pas être en liquidation judiciaire au 1er mars 2020.

Il est précisé que lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, descendant ou membre du foyer fiscal du bailleur, ou s’il existe des liens de dépendances entre eux, le bailleur doit justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie du locataire pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt. 

Montant et utilisation du crédit d’impôt 

Le crédit d’impôt serait égal à 50 % de la somme total des abandons ou renonciation. 

Pour les entreprises locataires d’au moins 250 salariés, le montant de l’abandon ne serait retenu que dans la limite des deux tiers du montant prévu au bail. 

A noter que le montant total des abandons ou renonciations de loyers donnant lieu à crédit d’impôt dont bénéficie chaque entreprise locataire ne peut excéder 800 000 €. 

Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice au cours duquel les abandons ont été consentis, l’excédent pouvant être restitué. 

Par dérogation il serait imputable sur l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021, c’est-à-dire sur l’impôt dû en 2022 au titre de l’exercice 2021. Il ressort en effet des discussions parlementaires que la mesure a vocation à rester active si le confinement devait durer pour certaines entreprises. Un nouvel amendement pourrait être présenté afin de pouvoir utiliser le crédit d’impôt dès l’exercice clos en 2020, afin de ne pas retarder inutilement le bénéfice de cette mesure.

Dans le cadre d’une intégration fiscale, la société mère serait substituée aux filiales pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe. 

Enfin, une déclaration spéciale devra être déposée par les bailleurs dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de résultat. S’il y a intégration, la société mère déclarerait les crédits d’impôt pour le compte des sociétés du groupe lors du dépôt de la déclaration du résultat d’ensemble. 

De par son caractère remboursable, le crédit d’impôt devrait faciliter les abandons de loyers de la part de bailleurs en situation déficitaire. Ils seraient alors assurés de percevoir via le crédit d’impôt 50% du loyer abandonné. Pour les bailleurs imposables, le crédit d’impôt, contrairement au loyer perçus, n’étant pas imposable, le bénéfice retiré de cette mesure sera d’autant plus important que le taux d’imposition du bailleur est élevé.

Carine-Duchemin

Carine Duchemin

Associée

Au sein du département Fiscal, Carine Duchemin intervient en fusion-acquisition, en restructuration d’entreprises et de groupes. Elle a une activité internationale importante comme conseil de groupes internationaux, notamment dans le domaine de l’hôtellerie. Carine Duchemin assiste également les entreprises et leurs dirigeants dans le cadre de contrôles et de contentieux fiscaux.