Décision du Conseil constitutionnel n°2018-749 QPC du 30 Novembre 2018

Le Conseil constitutionnel valide la possibilité d’un contrôle par le juge du prix contractuel en cas de déséquilibre significatif

Le 30 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a rendu une décision n°2018-749 QPC portant sur la constitutionalité de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qui sanctionne le fait,  par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, «  de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». 

La question prioritaire de constitutionalité (QPC) portait sur la notion de déséquilibre significatif telle qu’interprétée par la Cour de cassation dans son arrêt Galec [i] rendu le 25 janvier 2017. Celle-ci a en effet jugé que cet article n’excluait pas que « le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu », autorisant ainsi « un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Le régime du déséquilibre significatif en droit de la concurrence se distingue désormais de celui du droit de la consommation qui n’autorise pas un tel contrôle judiciaire du prix. Or, dans sa décision n°2010-85 QPC du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel s’était fondé sur le fait que le « législateur s’est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l’article L.132-1 du code de la consommation », dont le contenu a « déjà été précisé par la jurisprudence » pour déclarer cet article conforme au principe de légalité des délits et des peines.

Par sa décision n°2018-749 QPC du 30 novembre 2018 le Conseil constitutionnel confirme pour la deuxième fois la validité de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce au regard du principe de légalité des délits et des peines mais également de la liberté d’entreprise et de la liberté contractuelle et ce malgré la nouvelle compréhension de la notion de déséquilibre significatif.

Concernant la conformité du dispositif au principe de légalité des délits et des peines, le Conseil constitutionnel se contente de renvoyer au considérant 4 de sa précédente décision du 13 janvier 2011 selon laquelle la notion de déséquilibre significatif était définie « dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d’arbitraire ».

Le Conseil constitutionnel consacre d’autre part la conformité du dispositif à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, après avoir constaté que les limitations à ces libertés résultant du texte contesté étaient justifiées par l’intérêt général et qu’il n’en résultait pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi. Le Conseil constitutionnel relève ainsi que :

i. le maintien d’un équilibre des rapports entre partenaires est un objectif d’intérêt général,
ii. l’appréciation du prix est un élément permettant de caractériser l’existence d’un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux.

Le Conseil constitutionnel conclut ainsi qu’en conciliant d’une part la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle et d’autre part l’intérêt général, les limitations apportées à ces libertés par le législateur dans le cadre de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne sont pas disproportionnées au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi. 

Les entreprises doivent ainsi avoir à l’esprit que le juge est autorisé à contrôler le prix contractuel dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Il faut encore rappeler que la violation de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce est sanctionnée par une amende civile pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros. Le juge peut en outre ordonner l’annulation du contrat, la répétition de l’indu et la réparation du préjudice causé.

 

[i] Cass. com., 25 janv. 2017, n° 15-23547

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Pierre de Montalembert

Associé

Fort d’une expérience de 40 ans d’exercice de la profession d’avocat en droit des affaires, Pierre de Montalembert conseille principalement les entreprises mais également quelques fondations et personnes physiques.