Par François Devedjian, Avocat associé

La loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « Loi Pacte » a, entre autres nouveautés, modifié certaines caractéristiques du régime des actions de préférence. On relèvera en particulier les modifications suivantes susceptibles d’avoir un impact pratique immédiat :

 

  • Droits de vote multiples. [1]  La Loi Pacte supprime le principe de proportionnalité du droit de vote dans les sociétés par actions non cotées, autorisant ainsi celles-ci à émettre des actions de préférence à droit de vote multiple. Alors que jusqu’à présent, la loi n’autorisait, dans les SA et les SCA, que la suppression du droit de vote, le droit de vote simple ou, dans certaines conditions, double, il est désormais possible d’émettre des actions de préférence dont la préférence (positive ou négative) sera (seule ou non) la disposition de droits de vote multiples. L’émission d’actions de préférence disposant d’un demi droit de vote, d’un droit de vote triple, décuple, etc. est donc désormais un outil à disposition de toutes les sociétés par actions non cotées. Elles pourront notamment l’utiliser pour conférer des droits politiques forts à certains actionnaires tout en limitant leur dilution au capital.

 

  • Droit préférentiel de souscription (DPS). [2] Toutes les actions de préférence disposant d’un droit limité aux dividendes, aux réserves ou à la liquidation (préférence financière négative) sont désormais, sauf stipulations contraires des statuts, privés de DPS. Jusqu’à présent, cette suppression du DPS était réservée aux seules actions de préférence disposant d’une telle préférence financière négative et privées de droit de vote. Cette extension constitue un assouplissement de nature à mettre fin à des situations incongrues et à faciliter la structuration des opérations de levées de fonds. Elle permettra de mieux calibrer les actions de préférence en cause à la situation de l’émetteur et aux demandes des investisseurs sans avoir à supprimer le droit de vote des actions répondant à un besoin particulier et ne justifiant par forcément la disposition d’un DPS.

 

  • Actions de préférence rachetables. [3] Les sociétés peuvent émettre des actions de préférence rachetables dont les modalités de rachat sont librement régies par leurs statuts. Alors que jusqu’à présent, la loi n’autorisait que l’émission d’actions rachetables à l’option de l’émetteur, dans les sociétés non cotées, l’option de rachat peut désormais être stipulée, d’une part, dans les sociétés cotées sur un marché réglementé, au profit de l’émetteur, seul ou conjointement avec le porteur et, d’autre part, dans les sociétés non cotées sur un marché réglementé, à la main du porteur, de l’émetteur, ou des deux, isolement, conjointement ou alternativement. Les modalités de l’option (titulaires, fenêtre, modalités, etc.) doivent cependant être organisées préalablement à la souscription et mentionnées dans les statuts de l’émetteur. Le droit français renoue ainsi avec la jurisprudence antérieure à l’ordonnance n°2014-863 du 31 juillet 2014 et rejoint la pratique en vigueur dans la majorité des États européens.

 

La loi Pacte ne révolutionne donc pas les actions de préférence. Elle apporte quelques assouplissements réclamés par la pratique et consacre la primauté des SAS dans les opérations à structuration capitalistique complexe. Ainsi, les droits de vote multiples, déjà éligibles pour les actions de préférence émises par des SAS, le deviennent également pour les autres sociétés par actions (SA et SCA).

La grande nouveauté reste cependant la libéralisation du régime des actions de préférence rachetables qui est harmonisé avec la pratique européenne. Dans les sociétés non cotées, l’option de rachat peut désormais être librement construite en fonction des impératifs des opérations menées. Bien évidemment, il faudra en pratique conditionner l’exercice de cette option par le porteur de l’action de préférence, notamment pour éviter que celui-ci ne l’exerce au détriment de la performance de l’entreprise et, plus généralement, de l’intérêt social.

Pour aller plus loin sur les actions de préférence, voir François Devedjian, Fabienne Kerebel et Jean-Jacques Daigre, Les actions de préférence convertibles, Actes Pratiques & ingénierie n°161, sept.-oct. 2018, LexisNexis.


[1] Article L. 228-11 du Code de commerce.

[2] Article L. 228-11, alinéa 5 du Code de commerce.

[3] Article L. 228-12, III, 4° du Code de commerce.

Francois-Devedjian

François Devedjian

Associé

François Devedjian intervient principalement dans le domaine des fusions-acquisitions où il accompagne des grands groupes cotés, des sociétés innovantes à forte croissance, des ETI mais aussi des fonds d’investissement dans différentes opérations.

Son expertise en structurations d’investissement, levées de fonds ou droit boursier et sa créativité lui permettent d’offrir à ses clients des réponses adaptées et calibrées aux enjeux économiques auxquels ils sont confrontés.