Par Marine Vanhoucke, associée, et Patricia Bodalo, collaboratrice

 

La Fashion Week parisienne a commencé le 25 septembre. C’est l’occasion de rappeler aux créateurs l’importance d’adopter une stratégie globale en matière de propriété intellectuelle, en particulier en cas d’exportation de leurs créations dans des pays où la contrefaçon est répandue.

D’après un récent rapport de la Commission Européenne sur la protection des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers, la Chine est le pays d’origine de 70 % des marchandises contrefaisantes saisies dans l’Union Européenne et de 76% des marchandises contrefaisantes provenant du e-commerce.

Il est donc primordial de protéger ses droits de propriété intellectuelle et de les faire valoir en Chine via le dépôt d’une marque nationale, l’enregistrement de dessins et modèles ou la constitution préventive de preuves de créations.

Dépôt de marque en Chine : protection contre les dépôts de mauvaise foi et la contrefaçon

Le dépôt de la marque permet de monopoliser dans un territoire donné l’utilisation de ce signe (nom, logo…) pour désigner les produits ou services couverts par cette marque. Les consommateurs associant la marque à l’identité d’origine d’un produit, il est essentiel et stratégique de protéger celle-ci afin de se prémunir d’un usage détourné.

Si un dépôt de marque au niveau de l’Union Européenne est courant, il s’avère insuffisant lors de l’exportation des produits en dehors de l’Union, par exemple en Chine, marché particulièrement attractif où des difficultés peuvent alors survenir :

Trademark squatting

Le droit des marques chinois, comme le droit français est fondé sur la priorité dans le temps : le premier déposant devient titulaire de la marque dans le territoire désigné.

Il est malheureusement courant qu’un titulaire de marque européenne souhaitant étendre sa protection à l’étranger découvre qu’une marque identique a déjà été déposée par un tiers.

Cette pratique de « trademark squatting » est très répandue, notamment en Chine où le marché européen est suivi de près afin d’y déposer par anticipation  des marques qui se développent sur le marché européen. L’objectif des « squatteurs » est de vendre des contrefaçons, de profiter de la réputation de la marque pour vendre des produits non afiliés ou de forcer le titulaire d’origine à leur racheter la marque. 

Cette pratique est théoriquement interdite car il s’agit d’un dépôt de mauvaise foi. Cependant, la procédure permettant de récupérer les droits sur ladite marque est longue, compliquée et coûteuse en absence de dépôt local préalable.

Bien que l’Administration Nationale de la Propriété Intellectuelle Chinoise (CNIPA) tente depuis quelques années d’affiner l’examen des dépôts de marques afin de repérer ceux de mauvaise foi, il demeure vivement conseillé d’anticiper ce problème en procédant à un dépôt de marque en Chine à un stade précoce.

Contrefaçon de marque

La contrefaçon consiste en la reproduction, l'imitation, l'utilisation totale ou partielle d'un droit de propriété intellectuelle sans l'autorisation de son propriétaire. Comme rappelé ci-dessus, elle est malheureusement courante en Chine.

Le dépôt d’une marque dans ce pays permet au titulaire de se protéger contre la vente de produits utilisant une marque identique ou similaire pour désigner des produits identiques ou similaires. Il peut s’agir :

- soit de copies des créations originales, dans ce cas il y aura contrefaçon de marque et potentiellement de dessin et modèle ou droit d’auteur ;

- soit de la reproduction de la marque sur des produits distincts à ceux commercialisés par le titulaire de la marque.

Il est bien plus simple et efficace de lutter contre la contrefaçon, notamment celle des produits exportés à partir de la Chine, si la marque est déposée localement. En effet, outre les actions amiables ou judiciaires contre le contrefacteur, il est possible d’enregistrer sa marque auprès des douanes chinoises qui pourront alors saisir les produits afin d’en éviter la commercialisation.

Attention, si le créateur envisage une distribution de ses produits à Hong Kong, un dépôt distinct sera nécessaire.

Dessins et modèles en Chine : une protection supplémentaire 

La protection par l’enregistrement de dessin et modèle en Chine est potentiellement ouverte à chaque design de création de mode.

Bien qu’il soit trop chronophage et couteux pour les créateurs de déposer tous les dessins et modèles, compte tenu du renouvellement rapide des collections, cette protection doit être envisagée, à tout le moins pour certaines pièces. Le créateur pourra en effet se limiter à la protection des dessins et modèles iconiques ou les mieux accueillis par le public, et se contenter de la protection offerte par le droit d’auteur (sans enregistrement) pour le reste, notamment dans l’e-commerce.

Droits d’auteur : la constitution de preuves de la création

Comme en France, la protection par le droit d’auteur en Chine n’est pas subordonnée à un dépôt et existe dès la création originale. Toute nouvelle création de mode bénéficie donc de cette protection automatiquement, à supposer qu’elle soit effectivement originale. 

Cependant, en cas de contrefaçon, il est toujours délicat de prouver la titularité des droits et l’antériorité. Il faut en effet que le créateur soit en mesure de démontrer à quelle date il a réalisé sa création afin de prouver que cela a eu lieu avant son adversaire.

Afin de faciliter cette preuve, le centre de protection des droits d’auteur chinois (Copyright Protection Centre of China - CPCC) offre la possibilité d’un enregistrement volontaire des créations, y compris des catalogues de vente. L’auteur bénéficiera alors d’un certificat de droit d’auteur permettant de donner date certaine à ses créations et de lutter efficacement et rapidement contre les contrefaçons, notamment sur les sites de e-commerce. 

En conclusion, il est fortement recommandé aux créateurs de se faire accompagner par des spécialistes afin d’établir une stratégie de propriété intellectuelle tenant compte des options de développement international à un stade précoce de l’activité.

 

 

MARINE RVB

Marine Vanhoucke

Associée

Marine Vanhoucke conseille les entreprises en matière de Propriété Intellectuelle et les accompagne sur leurs sujets de Conformité.

Responsable du bureau de Hong Kong, elle assiste les sociétés françaises dans leur implantation et croissance en Asie et a construit une expertise des questions juridiques de droit international, mêlant notamment des intérêts français et asiatiques.