Par Emmanuelle Bismuth, Associée et Bertille de Bayser, avocat collaborateur

Confinement oblige, les plus réfractaires à l’égard des outils électroniques pourraient tirer parti de cette période comme rampe de lancement ! Nous avons les outils pour vous accompagner.

Parmi le panel d’outils électroniques existant, la signature électronique et la lettre recommandée électronique sont deux outils particulièrement faciles à mettre en place.

Pour autant, une certaine méfiance demeure intrinsèquement liée à l’utilisation de ce type de services.

Juridiquement, la protection résultant de la forme électronique par rapport à la forme papier a pourtant une valeur équivalente.

Le principe légal est limpide : l’écrit papier et l’écrit électronique sont équivalents.

La France est d’ailleurs avant-gardiste en ce domaine. Elle a légiféré en faveur de l’écrit électronique bien avant que la législation européenne ne s’empare de ce sujet.

L'article 1366 du Code civil dispose que « l’écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

Les supports – papier ou électronique – bénéficient donc d’une présomption de fiabilité et d’intégrité, qui peut être renversée. 

Dans l’hypothèse d’un écrit papier, il suffit de désavouer sa signature pour que son contradicteur doive en établir la véracité.

Dans l’hypothèse d’un écrit électronique, la signature électronique permet de présumer la fiabilité du document. Une jurisprudence de plus en plus favorable s’étoffe dès lors que l’on s’appuie sur un prestataire de service de certification électronique (PSCE) et que l’on dispose d’un mécanisme valide de gestion de la preuve.

Il est ainsi salvateur de se détacher de la méfiance liée à l’utilisation de la signature électronique ou de la lettre recommandée électronique qui peut aujourd’hui être dépassée.

LA SIGNATURE ELECTRONIQUE

Nous notons encore des réticences tenant à une méconnaissance des solutions existantes. La crise sanitaire que nous subissons offre pourtant une opportunité de développer la signature électronique. 

Les LBO et opérations de private equity se convertissent à la digitalisation avec un assouplissement de la position des prêteurs dont les règles internes ne permettaient pas d’y recourir jusqu’à présent.

Celle-ci a également été autorisée par un décret du 4 avril 2020 pour les actes notariés en lieu et place d’une présence physique du signataire.

La fiabilité de la signature électronique est reconnue en droit français depuis la loi du 13 mars 2000 (Loi n°200-230, transposition de la directive européenne du 19 janvier 2000).

Sa fiabilité a été consacrée par les textes suivants:

  • le nouvel article 1367 du code civil (introduit par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016)
  • le règlement du Conseil de l’Europe du 23 juillet 2014 (règlement européen 910/2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (Règlement eIDAS)) qui harmonise la signature électronique en Europe
  • un décret du 28 septembre 2017 (décret 2017-1416) qui l’a transposé en droit français, a précisé les conditions de validité de la signature électronique.

Le droit français a ainsi défini la présomption de fiabilité de la signature électronique :

« (…) l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ; »

c’est à dire qu’il appartiendra à celui qui contestera cette signature de prouver qu’elle n’est pas valide. 

Le Règlement eIDAS (article 25) dispose que l’effet juridique d’une signature électronique qualifiée est équivalent à celui d’une signature manuscrite

Il a défini trois niveaux de signature: 

  • La signature simple consiste par exemple en la numérisation de la signature papier ou le fait de cocher numériquement une case ;
  • La signature avancée qui nécessite que la signature soit liée au signataire de façon univoque, permettant à d’autres de l’identifier ;
  • La signature électronique qualifiée qui repose sur un certificat qualifié pour signature électronique. 

Ces deux dernières signatures nécessitent le recours à un tiers de confiance qualifié. 

Les trois types de signatures (simple, avancée et qualifié) ont une valeur légale étant admissibles comme preuves lors d’un jugement en tribunal. 

D’un point de vue pratique :

  • Le Conseil National des Barreaux (CNB) met à la disposition des avocats (de manière sécurisée) un outil permettant de signer par voie électronique les conventions d’honoraires e)convention d’honoraire et les actes d’avocats e)acte d’avocat ;
  • De nombreux prestataires tels que Docusign, Yousign, solution Adobe, Deep Block offrent également des solutions de signature électronique avancée et qualifiée. Nous pratiquons couramment la signature électronique (Docusign) et elle s’avère un outil pratique et fiable tant pour nous que pour nos clients. 

La version intermédiaire proposée par Docusign permet une double authentification de chacun des signataires par SMS et par email. Pour cela, l’avocat rédacteur complète l’information et télécharge les documents. Les parties reçoivent ainsi le lien qui leur permettra de lire et signer les documents.

Les signatures seront horodatées, il convient donc de s’assurer que les documents sont signés dans le bon ordre en donnant des instructions claires et précises aux parties (i.e. contrat de crédit signé avant les documents de sûretés).

A chaque signature, un dossier de preuve est automatiquement créé afin de permettre d’attester de l’identité du signataire et du bon déroulé de la procédure. 

Ces outils permettent la signature concomitante par plusieurs parties d’un ou plusieurs actes de manière rapide et efficace sans qu’il soit nécessaire de se réunir physiquement. 

LA LETTRE RECOMMANDEE ELECTRONIQUE

La lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) est utilisée très couramment dans la vie des affaires, comme dans la vie privée, que ce soit pour mettre en demeure un cocontractant ou résilier un contrat de bail.

D’un point de vue juridique, la LRAR permet notamment de :

  • formaliser une situation ;
  • prouver qu’une information a été délivrée, c’est un moyen de preuve ;
  • dater la remise de l’information et ainsi de faire courir certains délais légaux.

Depuis 2005 la possibilité d'envoyer un courrier recommandé par voie électronique est prévue par l'article 1369-8 du Code civil. Cependant son utilisation demeure marginale.

La lettre recommandée électronique apporte pourtant de nombreux avantages, tels que :

  • Un coût d’envoi moindre ;
  • Un service disponible 24h/24 et 7jours/7 ;
  • Une démarche écologique ;
  • Une numérisation des processus.

Depuis 2016, la loi précise très clairement : « L'envoi recommandé électronique est équivalent à l'envoi par lettre recommandée » (art. L.100 du Code des postes et communication électronique). 

La lettre recommandée électronique est donc parfaitement valable juridiquement.

Deux conditions doivent être respectées :

  • Le destinataire non-professionnel doit avoir exprimé son consentement à recevoir des envois recommandés électroniques :

    Ce consentement peut avoir été exprimé dans le contrat dans la clause relative aux « notifications ».

    A défaut, la lettre recommandée électronique dite « hybride » (voir ci-dessous) permet de dépasser cette difficulté.

  • Le processus d’envoi d’un recommandé électronique doit être réalisé par un « prestataire qualifié » :

    Le prestataire « qualifié » est le prestataire qui a reçu le visa de sécurité de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (dite « ANSSI ») garantissant que le service d’envoi de recommandé électronique répond aux exigences légales.

    La liste des prestataires qualifiés est tenue à jour par l’ANSSI. Elle dénombre actuellement 7 prestataires qualifiés, à savoir :

En pratique, il est possible de recourir à deux types d’envoi recommandé distinct :

  • Un envoi dit « hybride » : l’envoi est adressé par email par l’expéditeur, le prestataire qualifié imprime l’envoi qu’il remet en version papier au destinataire ;
  • Un envoi 100% dématérialisé : l’envoi est adressé par email par l’expéditeur, le destinataire reçoit un email l’avertissant qu’une lettre recommandée électronique lui a été adressée, après acceptation le prestataire lui donne accès à la lettre recommandée.

Le service AR24 propose la LRAR 100% dématérialisée. L’identification de l’expéditeur est facilitée pour les avocats titulaires d’une clef d’identification (elle sert notamment à la connexion des avocats au Réseau Privé Virtuel Avocat – dit RPVA – leur permettant d’échanger de manière sécurisée avec les juridictions).

Le processus de l’envoi 100% dématérialisé se déroule ainsi :

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Le prestataire a l’obligation de conserver toutes les preuves de dépôts au moins un an. Cet aspect est un critère de différenciation des offres existantes. Plus le délai de conservation des preuves offert par le prestataire est long, plus la sécurité juridique est importante.

A notre connaissance, la LRAR électronique n’a fait l’objet d’aucune décision de justice.

Néanmoins, le litige le plus probable porterait sur la LRAR électronique en tant que moyen de preuve. Or, tant que la LRAR électronique a été adressée via un prestataire qualifié détenant le visa de l’ANSSI, ce moyen de preuve est a priori assuré. Il est simplement nécessaire de conserver l’accusé réception électronique.

Gageons qu’il est plus aisé de conserver un tel document lorsqu’il est électronique que lorsqu’il est constitué par un papier carbone.

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Emmanuelle Bismuth

Associée

Experte des opérations de financements internationales et internes et d'opérations immobilières, Emmanuelle Bismuth conseille ses clients en matière contractuelle, financement, corporate, immobilier, droit bancaire (notamment règlementation  et droit du crédit).

Sa pratique et son expérience la conduisent à intervenir également en matière de restructurations de dettes (promoteurs immobiliers, groupes industriels, services et agroalimentaires).