Réforme de la médecine nucléaire : ce qu’il faut savoir avant le 1er juin 2023 

Par Nathalie Boudet-Gizardin, associée et Linah Bonneville, stagiaire

 

Nous vous avions alertés par un article du 6 avril 2022 sur les changements annoncés par la réforme de la médecine nucléaire. 

Pour rappel, cette réforme entrera en vigueur à partir du 1er juin 2023 et les schémas régionaux de santé 2023-2028, qui tiendront compte de ces nouvelles dispositions, devront être publiés au plus tard le 1er novembre 2023.

Dans la lignée des décrets du 30 décembre 2021 et du 1er février 2022, et de l’arrêté du 1er février 2022, une instruction relative à l’activité de soins de médecine nucléaire a été publiée le 19 décembre 2022. 

Cette instruction décrit et précise les modalités de mise en œuvre des dispositions applicables à la nouvelle activité de soins de médecine nucléaire. 

RAPPEL DE LA GRADATION DE L’ACTIVITÉ EN DEUX NIVEAUX ET SES CONSEQUENCES

L’instruction rappelle que l’utilisation de médicaments radiopharmaceutiques (MRP) dans le cadre de l’activité de médecine nucléaire entraîne des contraintes d’utilisation particulières et qu’une gradation en deux niveaux d’activité de médecine nucléaire (mention A ou mention B) a été introduite par la réforme. 

L’instruction précise que cette gradation est proportionnée au niveau de risque de l’utilisation du MRP utilisé pour des examens diagnostiques et pour le traitement de pathologies bénignes et malignes, et corrélée à un contrôle radiopharmaceutique adapté.

L’instruction apporte également des précisions en matière de sécurisation du circuit des médicaments radiopharmaceutiques en précisant la différente composition des équipes intervenant sur chaque site portant la mention A ou B, et les exigences de contractualisation en la matière.

PRECISIONS CONCERNANT L’OBLIGATION D’ASSURANCE QUALITE A LA CHARGE DU TITULAIRE DE L’AUTORISATION

L’instruction rappelle que le titulaire de l’autorisation est soumis à l’obligation d’assurance de la qualité définie au I de l’article L. 1333-19 du CSP depuis la justification du choix de l'acte, l'optimisation des doses délivrées aux patients jusqu'au rendu du résultat de cet acte. 

A ce titre, il doit mettre en place les actions suivantes :

  • Un état des contrôles de qualité pour les dispositifs médicaux prévus à l'article R. 5212-25 du CSP ;
  • Un état de l'enregistrement et de l'analyse des évènements pouvant conduire à une exposition accidentelle ou non intentionnelle des personnes à des rayonnements ionisants et des évènements indésirables graves associés à des soins mentionnés respectivement aux articles L. 1333-13 et L. 1413-14 du CSP ; 
  • Des audits cliniques réalisés par les pairs. 

En outre, le titulaire de l’autorisation doit assurer que les sites de mention A et B doivent disposer d’équipements connectés à un système d'archivage et de partage des images (PACS) ainsi qu'à un système d'archivage et d'analyse des doses. 

FOCUS SUR LES MODALITES D’OBTENTION DE L’AUTORISATION INITIALE ET SA MISE A JOUR

Autorisation initiale

L’instruction rappelle qu’une implantation de mention A ou B devra être disponible pour que le titulaire dépose son dossier de demande d’autorisation dans la période d’ouverture de fenêtre de dépôt ouverte par l’ARS. Cette autorisation est désormais délivrée par site géographique.

Si l’autorisation initiale est délivrée pour un plateau allant jusqu’à 3 équipements, le titulaire de l’autorisation devra disposer d’au moins une TEP ou d’une TEMP au jour de la demande de dépôt d’autorisation. S’il ne dispose que de l’un des deux équipements, une convention, qui sera jointe au dossier, doit être établie avec un autre titulaire disposant de l’équipement manquant. Si le titulaire dispose de l’équipement sur un autre site, une convention n’est pas nécessaire, toutefois l’organisation entre les deux sites sera décrite dans le dossier de demande.

Mise à jour de l’autorisation initiale

Les démarches à accomplir sont les suivantes :

  • De 1 à 3 équipements (plateau socle):

Doivent faire l’objet d’une simple déclaration à l’ARS :

  • L’ajout d’un nouvel équipement;
  • Le remplacement par un équipement de même nature;
  • Le remplacement d’un équipement par un équipement de nature différente.
  • De 4 à 9 équipements (qui correspond au nombre maximum d’équipements que peut détenir un titulaire d’autorisation sur un site géographique):

Doivent faire l’objet d’un avenant à l’autorisation initiale1 et d’une appréciation par le Directeur Général de l’ARS qui décide si la modification appelle ou non une nouvelle décision :

  • L’ajout d’un nouvel équipement;
  • Le remplacement par un équipement de même nature;
  • Le remplacement d’un équipement par un équipement de nature différente ;

Pour l’ajout d’un équipement au-dessus du seuil (de 4 à 9 EML), le titulaire doit motiver sa demande. Le DG de l’ARS pourra autoriser ledit titulaire si le volume des actes, la spécialisation de l’activité ou la situation territoriale le justifient

QUID DES AUTORISATIONS D’EML DÉJÀ OBTENUES ?

Lors de la parution de notre précédent article, nous avions souligné : 

  • que la réforme ne prévoyait pas de transfert automatique d’une autorisation d’EML déjà attribuée à un titulaire en une autorisation de soins ;
  • que les titulaires des autorisations d’EML actuellement en vigueur n’avaient donc aucune garantie de les voir perdurer à l’issue du dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation d’activité de soins. Ils avaient seulement la certitude de poursuivre l’exploitation de leurs autorisations d’EML jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur nouvelle demande d’autorisation d’activité de soins à introduire lors de la première fenêtre de dépôt ouverte après la publication du schéma régional de santé.

Ces deux points sont confirmés par l’instruction du 19 décembre 2022. 

Celle-ci précise en effet que les autorisations actuelles de TEP et TEMP seront prolongées jusqu’à la décision de l’ARS sur la nouvelle demande devant être déposée lors de la première fenêtre de dépôt ouverte après la publication du SRS 2023-2028.

L’ensemble des actuels titulaires d’autorisations de « Caméra à scintillation munie ou non de détecteur d'émission de positons en coïncidence, tomographe à émissions, caméra à positons » devront, au cours de cette première fenêtre de dépôt, demander une nouvelle autorisation pour l’activité de médecine nucléaire, mention A ou B. Si ces titulaires ne déposent pas de nouveau dossier de demande d’autorisation, leurs autorisations tomberont de facto à la date suivant l’échéance de la première fenêtre de dépôt des autorisations de médecine nucléaire.

Dans un souci de simplification, l’instruction précise de surcroit que la DGOS finalise actuellement un dossier unique de demande d'autorisation dématérialisé, commun à toutes les ARS. Ce dossier sera adapté en fonction de deux situations : les demandeurs qui souhaitent poursuivre leur activité et les demandeurs qui créent une activité de médecine nucléaire ex nihilo.

QUELLES STRUCTURES PEUVENT PORTER DES AUTORISATIONS DE MEDECINE NUCLEAIRE ?

Dans notre précédent article, nous avions alerté les détenteurs actuels d’autorisations de gamma-caméras et de TEP, structurés en GCS de moyens, GIE ou SCM, sur la nécessité de réorganiser leur activité en optant pour une structure juridique habilitée à recevoir une autorisation d'activité de soins.

En effet, lors de la préparation de la réforme, il avait été identifié que ces personnes morales dont l’objet est la mise en commun du matériel nécessaire à l’exercice de l’activité de leurs membres ne pouvaient pas porter des autorisations d’activités de soins.

Ce point a été confirmé par l’instruction du 19 décembre 2022 en ces termes :

« Les professionnels qui exercent leur activité grâce aux moyens mis en commun dans le cadre de SCM, GIE ou GCS de moyens devront donc, s’ils souhaitent continuer à exercer leur activité en partageant le matériel, se regrouper sous une nouvelle forme de structure juridique habilitée à recevoir une activité de soins (ex. : société d’exercice libéral [SEL], société d’exercice libéral à responsabilité limitée [SELARL], GCS établissement de santé, société civile professionnelle [SCP]) »

L’instruction ministérielle du 19 décembre 2022 a ainsi inclus les sociétés d’exercice (SCP, SEL et SELARL) parmi les personnes morales susceptibles d’être titulaires d’une autorisation d’activités de soins, alors même que l’objet social de ces sociétés d’exercice est limité à « l’exercice en commun de la profession », ce qui est nécessairement plus restrictif que l’exploitation d’une activité de soins. 

L’instruction n’apporte par ailleurs aucune précision sur les autres formes de SEL ou sur les sociétés coopératives de médecins. La question des sociétés commerciales est également éludée, ce qui est regrettable.

  1. Lorsque le titulaire de l'autorisation entend modifier les conditions d'exécution de l'autorisation d'activité de soins ou d'équipement matériel lourd, il en informe le directeur général de l'agence régionale de santé en.
Portraits GINESTIÉ MAGELLAN PALEY-VINCENT 2021

Nathalie Boudet-Gizardin

Associée

Elle a rejoint le cabinet la même année au sein de l’équipe Civil et Santé de Catherine Paley-Vincent. Elle conseille les acteurs de santé particulièrement en matière de :

Défense civile, disciplinaire et pénale des professionnels de santé, des ordres professionnels et des laboratoires de biologie médicale et vétérinaire

Conseil et assistance des professionnels de santé pour structurer leurs activités, y compris dans le cadre de coopération public/privé, notamment en imagerie médicale.