Article publié avec l’aimable autorisation du Comité de Rédaction de la Revue du Praticien mai 2022, vol 72, n°5.

Résumé

Jusqu’au décret du 22 décembre 2020, toute publicité était interdite aux médecins. La jurisprudence était pourtant aléatoire du fait de la difficulté à différencier “publicité” et “information du public”. Désormais, et pour se conformer aux directives européennes, la communication au public est autorisée, notamment sur le site internet du praticien. Cependant et heureusement, elle s’inscrit dans le cadre d'une déontologie forte et certaines interdictions persistent.

Le décret du 22 décembre 2020 rompt définitivement avec le passé et autorise de nouveaux modes de communication de l’information médicale dans un cadre rigoureux et déontologique.

Un principe fort irrigue l'exercice de l'art médical et sa déontologie : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » (ancien article R. 4127-19 du Code de la santé publique [CSP]). 

« La santé n'est pas un bien marchand. L'acte médical ne peut être considéré comme une denrée, une marchandise échangée contre une contrepartie, quelle qu'elle soit » écrit le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Corollaire de ce principe, la publicité était, de tous temps, interdite aux médecins et l'information délivrée dans les médias ne devait l'être que dans l'intérêt du public et à seules fins éducatives et sanitaires, sur la base de données confirmées, se gardant de toute attitude publicitaire (anciens articles R. 4127-13 et 19 du CSP). Le décret du 22 décembre 2020 a modifié les règles.

Avant décembre 2020 

Interdiction formelle de publicité 

Jusque-là, la loi excluait pour le médecin la publicité sur son exercice, sa localisation, son image, sa personne, lui interdisant de se faire connaître. Cette interdiction visait tous les procédés directs ou indirects de publicité (notamment la signalisation de l’accès à ses locaux), les mentions devant figurer sur ses ordonnances, sur les annuaires à l'usage du public et sur sa plaque professionnelle aux dimensions strictement imposées (25cm x 30cm). 

Mince exception, l'article R.4127-82 du CSP permettait aux médecins qui s'installaient ou modifiaient leur exercice de faire paraître dans la presse « une annonce sans caractère publicitaire » ; le texte et les modalités de publication devaient être préalablement communiqués au Conseil départemental de l'Ordre des médecins. 

Jurisprudence aléatoire 

Il est résulté de ces restrictions un vaste débat jurisprudentiel durant de nombreuses années : les juridictions disciplinaires devaient s'appliquer à différencier publicité et information, ces deux notions n’étant pas même définies dans les textes à appliquer. 

Les questions posées dans les procédures disciplinaires étaient des plus diverses :

Un cardiologue pouvait-il adresser à ses confrères et à des médecins généralistes une lettre présentant les spécificités de son exercice ? Pouvait-on vanter à ses patients les avantages des traitements prescrits et suggérer l'achat du livre dont le médecin était l’auteur ? Un gynécologue pouvait-il relancer ses patientes par courrier pour les inciter à un suivi gynécologique régulier en venant le consulter ? Était-il légitime de remettre sa carte de visite dans tous les hôtels de la capitale ? Un service d’urgentistes à domicile pouvait-il afficher sigle et numéro de téléphone sur ses véhicules ?

Il en résultait de longs débats souvent pénibles, mêlant le pire et l’excusable.

Plusieurs décisions de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins sont allées jusqu'au Conseil d'État qui statuait alors avec sagesse, sur ce qu’il était possible de faire ou de ne pas faire. Si la jurisprudence disciplinaire avait ainsi construit les principes à appliquer, ce droit prétorien demeurait toutefois aléatoire.

Définir information et publicité

Un rapport présenté à l'Assemblée générale du Conseil national de l'Ordre des médecins le 31 mai 1986, intitulé « Informations médicales et publicités », tentait de définir ces 2 notions :

  • « Informations médicales : communication au public de connaissances médicales acquises, conformes à la réalité du moment, destinées par le renseignement qu’elles procurent à provoquer une réflexion, à modifier un comportement. »
  • « Publicité : présentation particulière, avantageuse, orientée, voire fallacieuse, de l'information propagée, destinée autant à séduire qu’à convaincre ; la volonté publicitaire véhiculée par l’information vise à éveiller l'attention, à faire naître la curiosité et le désir afin de stimuler la demande dans un but intéressé. » 

L’Avis du Conseil d'Etat du 3 mai 2018, sollicité par le gouvernement pour la préparation du Décret du 22 décembre 2020, a tenté une nouvelle définition de la publicité : « Tout procédé par lequel un professionnel de santé assure auprès du public la promotion à des fins commerciales, de son activité ». La qualification « commerciale » y est étonnamment mentionnée alors que la déontologie médicale la récuse. 

Le renversement des principes 

Les six décrets du 22 décembre 2020 ont inversé le principe d'interdiction de la publicité pour les professionnels de santé (chirurgiens-dentistes, pédicures-podologues, infirmières, sage-femmes, médecins et masseurs-kinésithérapeutes). 

Ces textes répondent aux poussées des directives européennes instituant la liberté d’établissement et de prestation de services ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) qui n'acceptait plus qu’une législation nationale interdise de manière générale et absolue toute publicité relative à des soins de santé. 

Par décision du 15 janvier 2019 (n°19-D-01), l'Autorité de la Concurrence était la première à réagir estimant qu’en ces matières, le droit européen devait primer sur les restrictions françaises. Dans un arrêt de principe du 6 novembre 2019 (n°416948), le Conseil d'État annulait le refus implicite du ministre de la Santé d'abroger l’interdiction de toute publicité posée par l'article R.4127-19 du CSP. 

Le Décret n°2020-1662 du 22 décembre 2020 abroge donc l'interdiction de publicité pour les médecins. La libre communication sur leur activité professionnelle demeure néanmoins fermement encadrée par des règles déontologiques destinées à protéger les patients et plus généralement la santé publique. 11 articles du Code de déontologie médicale ont ainsi été modifiés, maintenant toutefois la distinction entre information du public et publicité.

Information du public 

Article R. 4127-13 CSP

« Lorsque le médecin participe à une action d'information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public.

Il ne vise pas à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle, ni à en faire bénéficier des organismes au sein desquels il exerce ou auxquels il prête son concours, ni à promouvoir une cause qui ne soit pas d'intérêt général ».

Tact et mesure au service de l’intérêt général

Dans son alinéa 1er, le principe directeur demeure identique à celui du texte précédent : lorsqu'il participe à des actions d'information du public, le médecin doit se garder de toute déclaration intempestive et être particulièrement prudent, surtout si sa notoriété et sa spécialité crédibilisent d’entrée son propos. Les données révélées doivent être « des données confirmées » (autrement dit, des données acquises par la science médicale). Le souci du médecin doit être de ne pas inquiéter ni perturber les patients par des révélations d’hypothèses ou des avis strictement personnels, controversés et non validés par la communauté scientifique. Le médecin doit s'interroger sur l'impact de ses déclarations et intervenir avec pondération et sans polémique. Le tact et la mesure peuvent être ici préconisés, comme ils le sont en matière d'honoraires. Ces principes sont repris à l'article R. 4127-19-1.II du CSP pour les communications au public ou à des professionnels de santé sur des questions relatives à la spécialité du médecin ou à des enjeux de santé publique. Là encore l'intérêt général prime et la prudence doit être omniprésente.

Transparence de mise 

Une nouveauté figure au 2nd alinéadu même article : l'information sur les liens d'intérêts et les conflits potentiels doivent être signalés par le praticien prenant position. Il ne doit tirer aucun profit personnel de son intervention dans les médias ou sur son site internet notamment ; plus encore, il doit s'interdire toute communication qui, de façon occulte, avantagerait une personne ou un organisme auquel il prête son concours, qui le rémunère pour ce faire, ou avec lequel il aurait un lien perturbant sa complète indépendance. A ce propos, la section éthique et déontologie du CNOM ajoute une formule lapidaire dans ses recommandations et commentaires du décret de 2020 : « Les liens en cause peuvent être directs ou indirects, de nature matérielle ou morale, voire d'image. Dès lors qu'il a de tels liens d'intérêts, il est indispensable que le médecin en fasse état de la façon la plus claire et sans ambiguïté, selon les modalités les plus appropriées, en fonction du support d’informations ». Rappelons que la déclaration de ces liens d’intérêts devient obligatoire (article L.4113-13 CSP - dispositif « anti-cadeau ») quand ils concernent la relation d’un médecin avec un fabricant ou exploitant de produits ou de matériels de santé.

Publicité

Article R. 4127-19-1 CSP

  1. Le médecin est libre de communiquer au public, par tout moyen, y compris sur un site internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice. Cette communication respecte les dispositions en vigueur et les obligations déontologiques définies par la présente section. Elle est loyale et honnête, ne fait pas appel à des témoignages de tiers, ne repose pas sur des comparaisons avec d'autres médecins ou établissements et n'incite pas à un recours inutile à des actes de prévention ou de soins. Elle ne porte pas atteinte à la dignité de la profession et n'induit pas le public en erreur.
  2. Le médecin peut également, par tout moyen, y compris sur un site internet, communiquer au public ou à des professionnels de santé, à des fins éducatives ou sanitaires, des informations scientifiquement étayées sur des questions relatives à sa discipline ou à des enjeux de santé publique. Il formule ces informations avec prudence et mesure, en respectant les obligations déontologiques, et se garde de présenter comme des données acquises des hypothèses non encore confirmées.
  3. Les communications mentionnées au présent article tiennent compte des recommandations émises par le conseil national de l'ordre.

Cadre déontologique

Autorisée désormais sous le nom de communication au public, cette publicité ne doit-elle pas d’abord être un atout pour le patient dans son libre choix plutôt que servir un intérêt mercantile où le médecin fait primer son intérêt, en cherchant surtout à développer sa clientèle et accroître ses revenus ? 

La publicité est très clairement encadrée : elle doit s’inscrire dans les règles fortes de la déontologie, le Décret exigeant qu’elle soit « loyale » et « honnête », autant que fiable. On retrouve, en cela, le premier adjectif déjà utilisé pour l’information « claire et appropriée » qui doit être délivrée au patient sur son état dans le cadre des soins qui lui sont prodigués (Article R.4127-35 CSP). 

C’est ce que l’Ordre des médecins a voulu encadrer en refusant qu’une Société d’exercice libéral (SEL) unipersonnelle se voit affubler le nom de « centre » ou « institut », qu’une offre de téléconsultation devienne une simple « machine à sous » sans protection de la qualité des soins délivrés ou encore que réductions et forfaits ne multiplient les séances d’épilation laser. 

Le nouvel article R.4127-19-1. III du CSP vise expressément les recommandations émises par le CNOM, véritables guidelines des informations susceptibles d’être portées à la connaissance du public par les médecins. 

Ce nouvel article exclut le fait que le médecin puisse faire appel à des « témoignages de tiers » : il est exclu de solliciter le témoignage de son patient qui cautionnerait par sa déclaration enthousiaste la qualité du praticien qui l’a pris en charge. Une telle demande s'éloignerait incontestablement de la dignité requise par l’Art médical. 

La jurisprudence de la Chambre disciplinaire nationale appuyée par celle du Conseil d’Etat veille à ce que la dignité et la probité du médecin ne s’évaporent pas dans la possibilité qu’il a maintenant de contribuer à ce que le patient potentiel le choisisse en raison de ses compétences, de son entourage et de son parcours professionnel. 

Interdictions persistantes

Certaines pratiques demeurent interdites. Il en est ainsi de la publicité comparative, qui écarte des confrères ou d’autres techniques ; du fait de vanter et de présenter des soins et des interventions en en minimisant les risques et les aléas ; du « tout succès » et du « tout garanti », alors que leur présentation est trompeuse et induit en erreur.

Les praticiens dans l’espace économique européen

L’article R.4127-19-2 CSP exige qu’ils « informent clairement et préalablement les patients et les autres destinataires de leurs services des actes qu’ils sont habilités à pratiquer ». Là encore clarté et honnêteté sont de mise.

Usage du nom du médecin et de ses titres 

Article R.4127-20 CSP

« Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.

Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins commerciales son nom ou son activité professionnelle ».

Article R.4127-30-1 CSP 

« Sont interdits l'usurpation de titres, l'usage de titres non autorisés par le conseil national ainsi que tous les procédés destinés à tromper le public sur la valeur de ses titres ».

Publicité ou information implique que le médecin concerné soit responsable de l’usage qui est fait de son nom et de ses déclarations. 

Si sa déclaration est volontaire, il lui appartient de la maitriser de bout en bout et de s’appliquer à en contrôler le contenu. En faire porter la responsabilité à une assistante, un journaliste ou un informaticien ne sera pas entendable en cas d’accusation.

Si, en revanche, la citation de son nom ou de ses propos est involontaire (parfois à son insu), déformée ou présentée dans un contexte détestable, il doit réagir dès qu’il en a connaissance : un courrier recommandé avec avis de réception adressé à l’auteur sera la meilleure défense à une accusation de publicité illégitime ; le retrait immédiat doit être demandé ou un droit de réponse exercé.

De même, le médecin ne peut se laisser utiliser dans une publicité commerciale pour donner du crédit à un établissement de santé, un fabricant de dispositifs médicaux ou de prothèses. 

Honoraires et frais : honnêteté et clarté impératives

Le 1er alinéa de l’article R.4127-53 du CSP rappelle les principes de la détermination des honoraires avec « tact et mesure », de la nécessaire information du patient sur les frais afférents aux prestations délivrées et sur les montants pratiqués par le praticien. Il précise également qu’un acquit doit être délivré s’il est sollicité.

Ce même article prévoit le contenu de la publicité apportée à ces questions dans son 2ème alinéa : 

Article R. 4127-53 CSP

[…] II. - Le médecin se conforme aux dispositions des articles L. 1111-3-2 et L. 1111-3-3 en ce qui concerne l'information du patient sur les frais afférents à ses prestations et aux conditions de prise en charge et de dispense d'avance de ces frais. Il veille à l'information préalable du patient sur le montant des honoraires. Le médecin qui présente son activité au public, notamment sur un site internet, doit y inclure une information sur les honoraires pratiqués, les modes de paiement acceptés et les obligations posées par la loi pour permettre l'accès de toute personne à la prévention ou aux soins sans discrimination. L'information doit être claire, honnête, précise et non comparative. Le médecin doit répondre à toute demande d'information ou d'explications sur ses honoraires ou le coût d'un traitement. […]

Précisions sur les supports des informations délivrées au public 

Les supports demeurent les mêmes qu’auparavant mais sont précisés et illustrés dans les nouveaux décrets.

L’article R.41276-79 du CSP décrit la composition des ordonnances et autres documents professionnels.

L’article R.4127-80 du CSP réserve la possibilité d’informer dans les annuaires à l’usage du public et fixe le contenu de cette publicité qui peut être identique à celui des ordonnances. Toutefois, à l’heure du référencement numérique, le 2nd alinéa précise : « Il est interdit au médecin d'obtenir contre paiement ou par tout autre moyen un référencement numérique faisant apparaître de manière prioritaire l'information le concernant dans les résultats d’une recherche effectuée sur internet ». Le « Spam indexing » est donc notamment à bannir.

L’article R.4127-81 du CSP règle la question de la plaque professionnelle dont les exigences de discrétion mais d’efficacité sont maintenues.

L’article R.4127-82 du CSP maintient l’autorisation pour le médecin qui s’installe (ou modifie son exercice) de diffuser une annonce selon les règles fixées par le CNOM mais le contrôle préalable n’est plus exigé. 

L’ensemble des articles contenus au décret du 22 décembre 2020 ajoute aux textes antérieurs la mention systématique du site internet du praticien. Les recommandations du CNOM sont claires sur les informations susceptibles d’y être mentionnées ; les médecins doivent s’y référer afin de constituer et d’alimenter leur site. 

Conclusion

Des avancées en phase avec les évolutions sociétales, mais bien encadrées 

On ne peut que se réjouir de cette vision positive apportée par le décret du 22 décembre 2020. Corollaire nécessaire de l’ouverture des nouveaux modes de circulation de l’information dans la société, elle conserve néanmoins et heureusement, l’appui et le cadre d’une déontologie forte. L’approche est ainsi réaliste pour le médecin, qui peut se faire mieux connaître et partager son expérience scientifique, mais aussi protectrice pour le patient qui est informé avec respect et considération.

Portraits GINESTIÉ MAGELLAN PALEY-VINCENT 2021

Nathalie Boudet-Gizardin

Associée

Experte en Droit de la santé et des professions réglementées (conseil et contentieux), elle intervient dans différents domaines : structuration de l’activité des professionnels de santé, conseil sur les aspects réglementaires et déontologiques de leur activité, défense des acteurs de la santé dans des contentieux complexes, corporate santé, contentieux civils et disciplinaires des professions réglementées.

Catherine-Paley-Vincent

Catherine Paley-Vincent

Associée

Expert reconnu en droit de la santé, elle intervient notamment pour la constitution et le suivi de structures entre professionnels de santé hospitaliers et/ou libéraux, pour la gestion des conflits éventuels et de leurs suites transactionnelles, judiciaires ou disciplinaires. Le domaine de l’Imagerie médicale lui est particulièrement familier.

Elle conseille des laboratoires pharmaceutiques en matière de dispositifs médicaux, d’étiquetage et d’essais cliniques.

Elle est régulièrement consultée sur l’application de la déontologie, notamment en matière de réglementation des Ordres professionnels de réseaux, de publicité et d’internet utilisé dans le monde médical et vétérinaire.