Par Jean-Baptiste Vienne, Associé

S’interroger sur la possibilité pour un employeur de procéder au licenciement d’un salarié pour abandon de poste semble incongru, c’est pourtant la question que l’on doit dorénavant se poser suite à la publication : 

 

La couleur est annoncée d’emblée par ce dernier document puisque le Ministère affirme que l’employeur qui « désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Une telle position semble assez éloignée de la lettre de l’article R.1237-13 du code du travail et apparaît même directement contradictoire avec ce dernier.

Cet article (issu du décret précité) dispose bien que l’employeur qui constate que le « salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l’article L.1237-1-1 le met en demeure ».

Le simple fait que l’employeur ait la possibilité de faire valoir la présomption de démission atteste qu’il s’agirait bien là d’un choix qui lui appartient à lui et à lui seul.

Mais il est vrai que l’article L.1237-1-1 du code du travail semble instituer une présomption de démission que l’on pourrait qualifier « d’automatique » du fait de la réunion de quatre conditions : 

      • un abandon volontaire de poste,
      • une mise en demeure,
      • une absence de reprise de travail (sous un minimum de 15 jours),
      • l’absence de causes de justificatives d’absence.

 

On pourrait donc en déduire que : 

  • L’employeur qui déciderait d’engager une procédure de licenciement sans procéder à une mise en demeure préalable échapperait donc à cette présomption et ne serait pas tenu par l’interprétation gouvernementale.
    A ce stade on ne s’attardera pas sur les conséquences et les fragilités induites en cas de contentieux par un licenciement pour abandon de poste sans mise en demeure préalable, tout à chacun les déduira.
  • A l’inverse, doit-on considérer qu’il n’y a point de salut pour l’employeur qui mettrait en demeure et qui serait donc tenu par la présomption de démission ?
    Et si celui-ci décide d’engager la procédure de licenciement avant le terme du délai de 15 jours imparti au salarié pour reprendre son travail ? 

 

Comme beaucoup de nouveaux textes, celui-ci suscite des difficultés d’interprétation mais on admettra qu’elles sont particulièrement gênantes dans le présent cas s’agissant d’une problématique à laquelle les entreprises sont confrontées quasi quotidiennement.

L’esprit du législateur était clairement d’exclure l’abandon de poste de la catégorie des pertes involontaires d’emploi pour priver les salariés d’une indemnisation par l’assurance chômage.

A-t-il pour autant voulu en faire un cas interdisant tout autre motif de rupture ?

Selon le Ministère la réponse est bien évidemment affirmative mais qu’en sera-t-il des juridictions qui resteront souveraines s’agissant de l’interprétation à retenir ? 

Rappelons que dans un temps pas si lointain, la Cour de cassation a considéré que la rupture conventionnelle homologuée était exclusive de tout autre mode amiable de rupture des relations contractuelles (Sociale, le 15 octobre 2014, n° 11-22.251).

 

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Jean-Baptiste Vienne

Associé

Il assiste en conseil et en contentieux, une clientèle d’entreprises françaises et internationales.

Il a développé une expérience particulière dans le domaine des contentieux, tant individuels que collectifs, notamment en matière de discrimination, égalité de traitement, de risques psycho-sociaux et de sécurité au travail.