Par Nathalie Boudet-Gizardin, Associée et Mathilde Jannet, Avocat

De nouvelles conditions d’implantation et de fonctionnement

Alors que l’Académie Nationale de Médecine appelait le 27 juin dernier à un remplacement de la procédure actuelle d’autorisation d’équipements matériels lourds par une autorisation d’activités de soins en imagerie[1], à l’instar de celles de la radiologie interventionnelle neurologique, cardiaque et de la médecine nucléaire, c’est une autre option qui a été prise par les deux décrets n°2022-1237 et n°2022-1238 du 16 septembre 2022.

Seule l’activité de radiologie interventionnelle a été érigée au rang des activités de soins soumises à une autorisation préalable de l’Agence Régionale de Santé (ARS), et l’imagerie en coupe à des fins de radiologie diagnostique échappe donc au régime des activités de soins. 

Les nouvelles dispositions règlementaires, qui entreront en vigueur le 1er juin 2023, font toutefois évoluer les conditions d’implantation et de fonctionnement des EML dédiés à la radiologie diagnostique.

Quels sont les EML concernés ?

Le nouvel article R. 6122-26 du Code de la santé publique opère désormais une distinction au sein des EML d’imagerie en coupe utilisés pour la réalisation d’actes diagnostiques entre :

  • d’une part les « appareils d’imagerie par résonnance magnétique nucléaire à utilisation médicale » (IRM)
  • et d’autre part les « scanographes à utilisation médicale » (scanner).

Seuls ces deux types d’équipements seront soumis à une autorisation préalable de l’ARS, à l’exclusion des EML d’imagerie en coupe utilisés pour des activités soumises à des autorisations propres (activité de médecine nucléaire, activité interventionnelle sous imagerie médicale en cardiologie ou en neuroradiologie, activité de radiologie interventionnelle).

Quelles sont les conditions d’implantation de ces EML ?

  • L’autorisation d’exploiter des EML d’imagerie en coupe sera désormais donnée sous la forme d’une autorisation unique par site géographique, et non plus d’une autorisation par type d’EML. Fini la course aux autorisations !
  • Le nombre maximal d’équipements pouvant être exploités par un même titulaire sur un même site géographique a été fixé à seulement à trois), sauf dérogation expresse du directeur de l’ARS si la situation territoriale, le volume des actes, leur nature, ou la spécialisation de l’activité le justifient mais dans la limite de dix-huit équipements[2].
  • Si le titulaire d’une autorisation dispose sur le site géographique concerné uniquement d’une IRM ou d’un scanner, ce dernier devra en principe établir une convention avec un autre titulaire d’autorisation disposant du type d’équipement manquant. Toutefois, s’il est titulaire d’une autorisation de l’équipement manquant sur un autre site géographique, il devra alors uniquement formaliser une organisation interne garantissant l’accès des patients à l’autre type d’équipement.
  • Le titulaire d’une autorisation disposant d’au moins trois équipements sur un même site géographique devra disposer cumulativement d’au moins une IRM et d’un scanner parmi ces équipements.

Quelle procédure doit être suivie en cas d’installation ou de remplacement de ces EML ?

La procédure prévue par le nouvel article R. 6122-39-1 sera allégée en cas d’installation ou de renouvellement d’un EML d’imagerie en coupe :

En cas d’installation d’un nouvel EML d’imagerie en coupe :

  • Si celle-ci ne conduit pas au dépassement de trois équipements, le titulaire devra informer l’ARS des caractéristiques de l’équipement installé avant sa mise en service.
  • Si celle-ci conduit au dépassement du seuil de trois équipements, l’installation sera subordonnée à la modification de l’autorisation initiale.

En cas de remplacement d’un EML d’imagerie en coupe :

  • Par un EML de même nature,  quel que soit le nombre d'équipements autorisés dont dispose le titulaire, ce dernier devra informer l’ARS des caractéristiques de l’équipement remplacé avant sa mise en service,
  • Par un EML de nature différente, le titulaire devra formuler une demande de modification de l’autorisation dans les conditions de l’article D. 6122-38, II du CSP lorsqu’il possède plus de trois équipements. En revanche, le texte est muet sur la procédure à suivre en cas de remplacement d’un EML d’imagerie en coupe, par un EML de nature différente, lorsque son titulaire dispose d’un maximum de trois équipements.

Quelles sont les conditions de fonctionnement de ces EML ?

Le décret n° 2022-1237 du 16 septembre 2022 apporte notamment des précisions concernant les équipes radiologiques constituées de :

  1. Un ou plusieurs médecins spécialisés en radiologie et imagerie médicale, qui assurent les soins radiologiques sur site ;
  2. Un ou plusieurs manipulateurs d’électroradiologie médicale, présents sur site au cours de la prise en charge des soins radiologiques du patient.
  3. Le titulaire de l’autorisation s’assure également le concours d’un physicien médical dans le cadre de la démarche d’optimisation de l’exposition aux rayonnements ionisants.

Il est également précisé que le titulaire d’une autorisation d’imagerie en coupe ne peut exercer son activité de radiologie majoritairement par télé-radiologie, à l’exception des soins radiologiques effectués dans le cadre de la permanence des soins ou si le directeur général de l’ARS autorise temporairement, lorsque la situation le justifie, le titulaire à effectuer des actes diagnostiques à distance.

Plusieurs exigences relatives à l’accessibilité des EML d’imagerie en coupe par les titulaires des autorisations, aux locaux dans lesquels ils sont implantés, à l’obligation d’assurance de la qualité, à l’obligation de recueil et d’analyse des données issues des pratiques professionnelles, à la mise à jour régulière des recommandations de bonnes pratiques radiologiques et d’imagerie médicale à appliquer, à la connexion des EML d’imagerie en coupe à un système d’archivage, de partage et de diffusion des examens, sont rappelées par le décret n° 2022-1237 du 16 septembre 2022.

Quelle participation à la permanence des soins est exigée ?

  • Le directeur de l’ARS pourra, en fonction des besoins spécifiques de la zone concernée, proposer au titulaire d’une autorisation de participer à la permanence des soins, en ayant recours si besoin à des moyens de télé-radiologie. Cette permanence des soins pourra être commune à plusieurs sites autorisés.
  • Le directeur de l’ARS pourra exiger du titulaire d’une autorisation disposant d’au moins trois EML d’imagerie en coupe sur le même site géographique, la garantie de réaliser des examens et d’en interpréter les résultats sur au moins une IRM, pour les prises en charge urgentes et non programmées sur des plages de douze heures les jours ouvrables.

Quel avenir pour les autorisations d’EML déjà délivrées et/ou en cours le 1er juin 2023 ?

Si cette réforme a pour objectif de permettre une meilleure répartition territoriale de l'offre de soins en radiologie diagnostique dans l’intérêt des patients, elle suscite, pour les titulaires d’autorisations d’EML d’imagerie en coupe, des incertitudes tenant au maintien de leurs autorisations actuelles.

Le décret n° 2022-1237 du 16 septembre 2022, prévoit, en son article 2, que les titulaires d’autorisations d’EML d’imagerie en coupe, délivrées avant le 1er juin 2023, et en cours lors de la première période de dépôt ouverte postérieurement au 1er juin 2023, devront déposer, dans le cadre de celle-ci, une nouvelle demande d’autorisation pour l’exploitation de ces EML d’imagerie en coupe.

Toutefois, cette demande fera l’objet d’un dossier spécifique selon des modalités fixées par arrêté du Ministre de la santé, lequel reste à paraitre, et est évidemment très attendu.

Les demandeurs pourront toutefois poursuivre l’exploitation de leurs autorisations d’EML d’imagerie en coupe jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur nouvelle demande.

Le décret précise également que les ARS auront jusqu’au 1er novembre 2023 pour mettre à jour les schémas régionaux de santé en tenant compte de ces nouvelles dispositions.

Par exception aux nouvelles dispositions, le titulaire d’une autorisation ayant atteint ou dépassé le seuil de trois équipements par site géographique et ne disposant pas d’au moins une IRM et d’un scanner pourra se voir délivrer une nouvelle autorisation à condition de se mettre en conformité avec cette règlementation en cas d’installation d’un équipement supplémentaire ou remplacement d’équipements existants.

À la différence de la réforme sur la médecine nucléaire qui a plongé les professionnels dans une véritable instabilité quant à leurs modalités d’exercice, cette réforme relative aux conditions d’implantation et de fonctionnement des EML d’imagerie en coupe s’annonce moins déstabilisatrice pour les actuels titulaires d’autorisations d’EML, bien que le dispositif reste à compléter.


[1] « Radiologie, la financiarisation de tous les dangers : prévenir les risques pour les radiologues et les patients », Communiqué de l’Académie nationale de médecine, 27 juin 2022

[2] Articles 1 et 2 de l’arrêté du 16 septembre 2022 fixant, pour un site autorisé, le nombre d'équipements d'imagerie en coupes en application du II de l'article R. 6123-161 du code de la santé publique

Portraits GINESTIÉ MAGELLAN PALEY-VINCENT 2021

Nathalie Boudet-Gizardin

Associée

Experte en Droit de la santé et des professions réglementées (conseil et contentieux), elle intervient dans différents domaines : structuration de l’activité des professionnels de santé, conseil sur les aspects réglementaires et déontologiques de leur activité, défense des acteurs de la santé dans des contentieux complexes, corporate santé, contentieux civils et disciplinaires des professions réglementées.