Article publié avec l'aimable autorisation du Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie

Regards croisés juridique, médical, éthique

Assistance médicale à la procréation : l’accès aux origines. La loi de bioéthique du 2 août 2021 ouvre à l’enfant majeur l’identité du donneur*

Savoir ou ne pas savoir. Être ou ne pas être. Interrogations fondamentales dont on sait qu’elles peuvent impacter toute une vie et générer une vraie souffrance.

Guidée par l’évolution sociétale et les exemples à l’étranger, la loi de bioéthique du 2 août 2021 apporte une réponse radicalement inverse à celles qui l’ont précédée. Si elle maintient l’anonymat du don de gamètes ou de la proposition d’accueil d’un embryon, entre donneurs et receveurs, elle institue le droit de l’enfant, né d’une AMP et devenu majeur, à connaître l’identité de ceux qui ont permis sa naissance.

La connaissance des données non identifiantes sort de la nécessité thérapeutique appréhendée par le seul médecin.

Elle aussi, sera à la disposition de l’enfant majeur qui en fait la demande.

La révélation du don sort donc du secret. La lame de fond était annoncée. Elle déferle aujourd’hui. Fera-t-elle disparaître la volonté de donner à un moment où la pénurie de dons rendrait les avancées de la loi inopérantes ? Apportera-t-elle à l’enfant l’apaisement souhaité ?

Avant la loi du 2 août 2021

Le principe d’anonymat

Les lois de bioéthique du 1er juillet 1994, révisées le 6 août 2004 et le 7 juillet 2011 étendaient aux gamètes et aux embryons le principe d’anonymat qui prévalait pour les autres dons des produits et éléments du corps humain.

Le projet parental, l’éventuel secret maintenu sur la PMA, l’épanouissement de la famille primaient sur la possibilité de l’enfant de connaître l’identité du donneur.

Deux textes encadrent alors ce principe d’anonymat :

Article 16-8 du Code civil (CC) : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur ».

Article L.1211-5 du Code de la santé publique (CSP) : « Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée ».

Les dérogations pour les données non identifiantes

La seule faculté dérogeant à cette volonté d’anonymat est « la nécessité thérapeutique ». Au bénéfice de qui ? Tout d’abord de l’enfant dont les soins requièrent que son médecin soit informé de son origine biologique. Certes, mais sans prise directe sur l’évènement. En effet, l’article L.1244-6 CSP précise bien que cet accès aux informations médicales non- identifiantes est réservé au seul médecin qui en aura la connaissance pour soigner un enfant conçu à partir de gamètes issus de don.

La nécessité thérapeutique s’entend aussi de la prévention des risques de consanguinité pour deux personnes en couple issues d’AMP avec tiers donneurs. Seraient-elles issues d’un même donneur ? (CE, 2 nov. 2015, n° 372121).

De même, le diagnostic d’une anomalie génétique grave frappant un donneur : ce dernier peut autoriser son médecin à saisir le Centre d’AMP pour que les enfants issus de son don soient avertis et puissent bénéficier d’un conseil génétique.

Toutefois, la barrière de l’anonymat protectrice de l’identité ne tombe pas. Jamais l’enfant issu de cette procréation ne saura qui est le donneur ou la donneuse biologique qui lui a permis d’être là.

Même protection pour le don d’embryon. Le couple bénéficiant d’un don d’embryon parce qu’un autre couple a renoncé à son projet parental sur cet embryon ne saura jamais qui est qui. L’enfant non plus, sauf à bénéficier d’informations médicales non-identifiantes si son état l’exige.

L’organisation de ces protections

À la différence des catalogues américains, russes ou chinois, le nom, la beauté du donneur, la couleur de ses cheveux, son QI, sa situation familiale et/ou financière liée à sa profession seront pour toujours ignorés des bénéficiaires du don, parents et enfant.

Dans sa prudence, le législateur de l’époque a exigé pour l’AMP, alors PMA, des structures publiques excluant les structures privées à but lucratif dont on pouvait craindre que le concept de gratuité omniprésent en ce domaine serait moins bien vécu ou respecté.

Ce sont les organismes, les établissements de santé et les groupements de coopération sanitaire (GCS) autorisés à prélever les gamètes qui conservent ces données pour une durée minimale de 40 ans et, quel que soit son support, sous forme anonyme. L’archivage est effectué dans des conditions garantissant la confidentialité (article R.1244-5 CSP). On soulignera que même la Fédération Française des CECOS ne conserve pas de façon centralisée les données relatives aux donneurs et aux dons de gamètes, alors qu’elle constitue un réseau national dans le domaine de l’AMP.

Seuls les médecins pouvant exercer des activités cliniques et biologiques d’AMP pourront avoir accès à ces informations.

En point d’orgue de cette réglementation, faut-il souligner qu’aucun lien de filiation ne peut exister entre l’auteur du don (de gamètes ou d’embryon) et l’enfant issu d’une AMP. Ce même enfant ne pourra jamais mettre en cause la responsabilité du donneur. Comment le pourrait-il, ils ne se connaîtront jamais.

Dès 1994, le Conseil Constitutionnel avait validé cette construction de l’anonymat des tiers donneurs, interdisant aux enfants de connaître l’identité de ceux-ci.

Cette question de l’accès aux origines avait été rediscutée en 2012 devant le Conseil Constitutionnel dans le contexte de l’accouchement sous le secret ou l’accouchement sous X. Le Conseil Constitutionnel avait déclaré cette naissance conforme à la constitution, ne portant pas atteinte « au respect dû à la vie privée ni au droit de mener une vie familiale normale » (QPC n° 2012-248 du 16 mai 2012).

Le commentaire de la décision rendue précise que « le droit au respect de la vie privée n’implique pas un droit d’accès aux origines ».

Ces principes dont certains pensaient qu’ils étaient contraires à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, allaient- ils résister au temps ? À l’évidence non : c’est la loi du 2 août 2021.

Les raisons d’un revirement

Comment le législateur en est-il venu au basculement des principes qui avaient jusqu’alors régi l’accès aux origines ?

Les conventions internationales, les exemples étrangers et plus surement la poussée constante de la société sur ces sujets permettent de comprendre un tel revirement.

Le droit international privé consacre un consensus entre les nations

La convention internationale des Droits de l’Enfant de 1989 en est un bon exemple. Elle prévoit dans son article 7 que l’enfant a « dans la mesure du possible » le droit de connaître ses parents. Les commentaires qu’on peut en trouver, notamment devant le Conseil de l’Europe montrent que les nations recherchent un équilibre entre les droits des parents, qu’ils soient donneurs ou receveurs, et ceux des enfants.

L’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale… ». La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme montre que l’accès aux origines est un élément essentiel de ce droit. Ainsi dans un arrêt du 7 juillet 1989 (Gaskin c/ Royaume Uni n° 1045483) la CEDH estime que ce droit implique de pouvoir « établir les détails de son identité d’être humain ». Et encore dans un arrêt du 13 juillet 2006 (JÄGGI c/ Suisse n° 58757/00) la CEDH juge que l’obtention « des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de son géniteur… » contribuait à l’épanouissement de cet enfant et relevait pour lui « d’un intérêt vital ».

Plusieurs autres arrêts de la CEDH sont en ce sens, notamment à propos de l’accouchement sous X mais ces mêmes décisions reconnaissent aussi que le droit de connaître ses origines n’est pas absolu et qu’il doit toujours être mis en balance avec les intérêts des autres parties concernées, en l’occurrence les parents et les donneurs.

La Cour prône un juste équilibre entre intérêts concurrents, l’enfant ayant intérêt à connaître « quelques racines de son histoire ».

Les exemples étrangers

En matière de bioéthique, la France a largement profité de la liberté de légiférer reconnue aux États membres de l’UE, dans la mesure où il n’existait pas vraiment de consensus entre les membres du Conseil de l’Europe, pour ces « questions morales ou éthiques délicates ». On constatera qu’en Europe, la rigueur française sur cette question de l’accès aux origines était relativement isolée. Seules l’Espagne, la Pologne et la Grèce érigent aussi en principe le secret lié à l’identité du donneur de gamètes.

De nombreux autres pays européens ont adopté une position contraire : la Suède la première, dès 1985, garantit aux enfants nés d’une IAD le droit de connaître leurs origines. Droit étendu aux dons d’ovocytes en 2003. Il faut avoir 18 ans ou même avant « si l’enfant présente une maturité suffisante…». En Suisse, depuis 1992, la constitution fédérale reconnait le droit de connaître « ses origines génétiques ». L’Office Fédéral de l’État civil tient le registre de donneur de sperme et depuis le 1er janvier 2019 l’enfant reçoit pour ses 18 ans un courrier postal, à son domicile, lui indiquant l’identité de son père biologique. En Autriche, on peut tout savoir dès 14 ans et aux Pays-Bas, l’accès aux données non-identifiantes est possible dès 12 ans et l’accès à l’identité du donneur à 16 ans. 16 ans aussi pour l’Allemagne. En Norvège, au Royaume-Uni, en Finlande, en Irlande, c’est 18 ans avec un registre des donneurs d’identité des donneurs de sperme.

Une dernière particularité au Portugal : dans une décision du 24 avril 2018, la Cour Constitutionnelle a déclaré contraire à la constitution, le régime d’anonymat des donneurs de gamètes invitant le Parlement à légiférer en ce sens.

Enfin, dans d’autres pays européens, l’opposition est plus nuancée : ainsi, en Belgique, depuis 2017, il y a la nécessité d’un accord entre le donneur et les parents receveurs pour savoir si l’enfant pourra ou non sortir de l’anonymat. Même chose en Islande, où le donneur choisit au moment du don quelle sera sa position. Sans accord, pas de don. Au Danemark, les parents choisissent : donneur anonyme ou révélation de son identité à leur enfant. Ici le choix dépend complètement des parents.

Hors Europe, aux États-Unis et en Australie, les solutions varient en fonction de chaque État. Ainsi aux États-Unis, il est assez facile de retrouver son père ou sa mère biologique via la réalisation de tests ADN vendus par des sociétés commerciales.

Ce long catalogue permet de constater la diversité de traitement de cette question selon la sensibilité d’un pays.

Dans ce contexte, la poussée sociétale va être décisive en France

Depuis les premières lois de bioéthique de 1994, la vision française de l’anonymat est radicale. Elle va pourtant rapidement donner lieu à discussion.

Comme l’a dit la Sociologue Irène THERY, ce « Ni vu, ni connu » d’une PMA n’est plus recevable dans une société qui a fortement évolué vers des familles composées, décomposées et recomposées. Les choux et les roses, c’est fini.

Dans leur quotidien, les CECOS insistent pour que l’enfant connaisse son mode de conception et ne souffre pas d’interrogations délétères qui resteront à jamais sans réponse. Psychanalystes, psychologues, sociologues invitent à faire cesser ce fantasme du père donneur qui serait le rival du père qui élève l’enfant. Tous les travaux sur le sujet montrent que l’enfant institue une différence certaine entre « être né de… » et « être le fils ou la fille de… ». Il restera l’enfant de ceux qui se sont engagés à être ses parents.

Le CCNE renchérit et donne aussi des pistes : dès la re-discussion de 2018, un consensus existe sur le fait de ne plus cacher aux enfants l’histoire de leur conception.

  • dans son avis n° 90 (novembre 2005) : « Si le social n’est pas réductible au biologique, le biologique ne peut être exclu du social ».
  • encore dans l’avis n° 129 (septembre 2018) : « Continuer à défendre l’anonymat à tout prix est un leurre à l’ère présente et future de la génomique et du big data ».

La lame de fond était annoncée. Elle déferle aujourd’hui et c’est la loi du 02 août 2021.

La loi du 2 août 2021

S’il fallait n’en dégager qu’un principe au regard de cet accès aux origines : l’anonymat du don demeurera au moment du don entre parents et donneurs. Il n’y aura jamais de connexion. Par contre, cet anonymat ne résistera pas au bénéfice de l’enfant qui veut savoir, passé ses 18 ans.

Comme l’a concédé le Conseil d’État consulté par le Gouvernement, dans son « Avis préalable sur un projet de loi relatif à la bioéthique » (n° 397.993), du 18 juillet 2019, le modèle français « est mis sous tension » par les évolutions sociétales : les progrès de la science médicale, l’intelligence artificielle, une aspiration à l’assouplissement des règles existantes, notamment du fait du mariage entre personnes du même sexe (loi du 17 mai 2013) et de la jurisprudence de la Cour de cassation validant l’adoption de l’enfant du conjoint issu d’une AMP à l’étranger (22 septembre 2014).

Il n’était plus possible qu’une telle évolution ne soit pas prise en compte par le législateur et d’ailleurs, dans son « Avis préalable » le Conseil d’État avait adoubé cette évolution, précisant qu’il s’agissait d’un « choix politique » ajoutant « le droit ne commande ni le statu quo, ni l’évolution ».

Ce sera l’évolution et donc un revirement complet de plusieurs notions pourtant bien ancrées dans l’histoire de la bioéthique française. L’exigence d’une infertilité biologique disparait. Information et Consentement irriguent les nouvelles données législatives. Le projet parental domine le parcours d’une AMP, tant pour le couple que pour la femme célibataire qui peut désormais bénéficier d’une AMP. Enfin, le droit de l’enfant conçu par AMP va commander qu’il puisse accéder à ses origines.

Concrètement, comment les choses se passent-elles ? Trois phases : Au moment du don , l’Information et le recueil du Consentement qui concernent donneurs et receveurs. Au cours de la minorité de l’enfant, l’accès aux données non identifiantes et à sa majorité, la possibilité de connaître l’identité du donneur.

L’information

Pour l’accueil de l’embryon, au moment du don, le ou les parents qui pourront accueillir un embryon sont informés de ce que l’enfant à naître pourra, à sa majorité, avoir accès aux données non identifiantes et à l’identité du couple donneur (article L. 2141-10 4° CSP). Ces derniers le savent également.

Même exigence d’information pour le don de gamètes avec un tiers donneur (article L. 2141-10 4° CSP).

Un dossier guide doit être remis aux futurs parents comportant ces éléments d’information (article L.2141-10 6° CSP).

Pour bien mesurer les conséquences de ce don, le donneur de gamètes doit être majeur. Préalablement au don qu’il va faire, il doit être informé des dispositions législatives et réglementaires qui entourent l’AMP projetée. Essentiellement, il est informé du fait que l’enfant conçu par le don pourra, à sa majorité, avoir accès aux données non-identifiantes et à son identité. Il y consent par écrit sachant toutefois que jusqu’à l’utilisation de ses gamètes, il pourra encore révoquer ce consentement (article 1244-2 CSP).

Le consentement

En miroir de cette exigence d’une information complète tant des donneurs que des receveurs, l’article L.2143-2 CSP prévoit que les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leur embryon à l’accueil consentent expressément à cette possibilité de révélation de leur identité, lorsque l’enfant à naître en fera la demande, une fois sa majorité accomplie. « En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don ou proposer cet accueil ». La loi est très claire sur ce point essentiel : si le ou les tiers donneurs refusent cette communication, il n’y aura pas de don.

Le donneur de gamètes comprendra également que son éventuel décès avant leur utilisation est sans incidence sur la communication de ses données et de son identité qu’il pourra « actualiser » au fil du temps.

Qui et comment recueille-t-on ce consentement ? C’est le médecin qui prend en charge l’AMP qui recevra ce consentement conservé par écrit.

L’article L.2143-3 CSP définit les données non identifiantes qu’il appartient au médecin de collecter au moment où il recueille le consentement du ou des tiers donneurs : leur âge, leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, leurs caractéristiques physiques, leur situation familiale et professionnelle, leur pays de naissance, les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Ce même médecin doit être destinataire de l’évolution de la grossesse et recueillir l’identité de l’enfant et de son ou ses parents quand il naîtra.

Ainsi le médecin reste la plaque tournante de cette aventure puisque non seulement, il informe et recueille le consentement au moment du don mais encore, il est informé du suivi de la grossesse et de la naissance.

Pendant la minorité de l’enfant, comme par le passé, il sera également le seul à avoir accès « aux informations médicales non-identifiantes, en cas de nécessité médicale ». Au bénéfice de l’enfant conçu ou du donneur lui-même (article 1244-6 CSP).

La révélation des données identifiantes et de l’identité du tiers donneur

La grande nouveauté de la loi du 2 août 2021, en matière d’AMP. Une vraie révolution. À sa majorité, la personne conçue par AMP avec tiers donneur « peut si elle le souhaite accéder à sa majorité à l’identité et aux données non-identifiantes » (article L.2143-2 CSP).

Le corollaire de ce droit d’accès est bien évidemment, la conservation de ces données. C’est l’article L.2143-4 CSP qui l’organise : toutes les données (données non identifiantes et données d’identité) sont conservées par l’Agence de la Biomédecine dans des conditions garantissant « leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité » pour une durée fixée par un décret en Conseil d’État qui ne pourra être supérieure à 120 ans.

L’article L.2143-6 CSP institue une Commission d’accès à ces données.

Placée auprès du Ministère chargé de la Santé, cette Commission instruira les demandes de révélation d’identité de l’enfant et se prononcera, à la demande d’un médecin, sur les données non identifiantes sollicitées.

Une telle nouveauté exigeait de s’interroger sur ce qu’il adviendrait des demandes formulées par des enfants conçus par AMP, avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021. La Commission d’accès aura également la charge - assez redoutable sans doute – de recueillir et d’enregistrer l’accord éventuel des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis au moment de leur don à une telle révélation.

Dernière obligation assez réaliste, la tâche « d’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs ».

Très concrètement, la Commission d’accès est habilitée à utiliser le Répertoire national d’identification des personnes physiques, pour retrouver le tiers donneur. Toutes ces nouvelles dispositions législatives seront déterminées par un décret en Conseil d’État après avis préalable de la CNIL.

L’application de la loi dans le temps

L’ensemble de ces dispositions entreront en vigueur le premier jour du 13ème mois de la promulgation de la loi, soit le 3 septembre 2022.

Il faut reconnaître les complexités « apocalyptiques » de l’application de cette loi dans le temps pour les dons et les conceptions intervenus avant la promulgation du 3 septembre 2021. Retenons seulement que les donneurs, les receveurs et les enfants concernés pourront aller en discuter avec la Commission d’accès visée à l’article L.2143-6 CSP.

Les tiers donneurs qui auront effectué leur don préalablement à l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 pourront donner leur accord à l’utilisation de leurs gamètes ou des embryons qui sont en cours de conservation. Faute d’un tel consentement, ces derniers seront détruits.

Ils devront alors consentir expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité, aux personnes majeures conçues avant le 3 août 2022, avec leurs gamètes ou leurs embryons.

En conclusion

Toutes ces dispositions sont contenues dans le Code de la santé publique mais comme pour les lois de bioéthique de 1994, dès l’origine, elles sont aussi gravées dans le marbre du Code civil.

L’article 16-8-1 Code civil réaffirme la nécessité d’un consentement des parents receveurs d’un don de gamètes ou d’une proposition d’accueil d’un embryon et y ajoute cette donnée nouvelle : « Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeur née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur ».

Enfin, ces révélations ne pourront jamais servir à fonder ou contester une filiation avec le ou les donneurs. Deux mondes à part, sans aucune connexion, qui laisseront pleine et entière la filiation reconnue aux parents receveurs et aux parents d’accueil de l’enfant conçu par AMP.

Ainsi, l’anonymat du don vis-à-vis des parents receveurs est maintenu.

Seul l’enfant à sa majorité pourra lever le voile sur la réalité biologique de sa conception.

À une époque où l’ADN permet de comprendre et d’appréhender les éléments fondateurs d’une conception, cette libération de l’identité du donneur était logique. L’avenir dira si elle peut procurer un apaisement définitif gardant d’un tourment ad vitam.

 

* Paley-Vincent C.·Assistance médicale à la procréation : l’accès aux origines. La loi de bioéthique du 2 août 2021 ouvre à l’enfant majeur l’identité du donneur. Bull Acad Natl Med 2022 ;206:386-90. Doi : 10.1016/j.banm.2021.12.013.

Catherine-Paley-Vincent

Catherine Paley-Vincent

Associée

Expert reconnu en droit de la santé, elle intervient notamment pour la constitution et le suivi de structures entre professionnels de santé hospitaliers et/ou libéraux, pour la gestion des conflits éventuels et de leurs suites transactionnelles, judiciaires ou disciplinaires. Le domaine de l’Imagerie médicale lui est particulièrement familier.

Elle conseille des laboratoires pharmaceutiques en matière de dispositifs médicaux, d’étiquetage et d’essais cliniques.

Elle est régulièrement consultée sur l’application de la déontologie, notamment en matière de réglementation des Ordres professionnels de réseaux, de publicité et d’internet utilisé dans le monde médical et vétérinaire.