Par Jean-Baptiste Vienne, Associé

Non, une clause de garantie d’emploi en cas d’arrêt maladie n’interdit pas de licencier le salarié pour un autre motif

C’est ce que vient de rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 février 2023 (n°21-16.805)

De nombreuses conventions collectives comportent des clauses dites de « garantie d’emploi » lesquelles interdisent le licenciement des salariés pendant la suspension de leur contrat de travail pour maladie.

Souvent anciennes, ces clauses étaient destinées à pallier les carences légales qui existaient avant la promulgation de la loi du 12 juillet 1990 interdisant de licencier les salariés en raison de leur état de santé (Loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap).

La question se posait néanmoins régulièrement de savoir si, malgré une clause de garantie d’emploi, il était possible de licencier un salarié en arrêt de travail pour un motif autre que la désorganisation suscitée par l’absence du salarié et la nécessité de procéder à son remplacement définitif ?

C’est la question à laquelle la Cour de cassation répond s’agissant de la clause de garantie d’emploi prévue par l’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie dans sa rédaction antérieure à son abrogation.

Mais en réalité, loin d’être un arrêt d’espèce limité à l’interprétation à donner à ces seules dispositions conventionnelles, il semble bien s’agir d’un arrêt de principe applicable à toutes les conventions collectives.

L’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ne stipulait pas à proprement parler de clause de garantie d’emploi mais limitait les possibilités de licencier des salariés absents pour cause de maladie aux seules hypothèses de : 

  • licenciement collectif, 
  • suppression de poste.

La cour d’appel (Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 18 mars 2021, n° 19/01123) en a déduit que ces dispositions :

  • octroyaient au salarié arrêté pour maladie une « véritable garantie d’emploi »,
  • limitaient les possibilités de licenciement aux deux motifs précités,

et a relevé le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié fondé sur son insuffisance professionnelle.

Compte-tenu de la rédaction du texte, dont une lecture a contrario semblait interdire de licencier pour un motif autre que ceux prévus, la solution semblait logique mais pas pour la Cour de cassation qui casse cette décision.

Elle rappelle dans un premier temps que lorsqu’une convention collective manque de clarté, celle-ci doit être interprétée comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.

Ensuite, si elle confirme que les dispositions de l’article 16 instaurent bien une garantie d’emploi : 

  • elle limite toutefois la portée de celles-ci aux seuls licenciements fondés sur les conséquences de la maladie et la nécessité de remplacer le salarié,
  • et considère, malgré les motifs limitatifs de licenciement expressément prévus, qu’elle n’interdit pas de le licencier pour un autre motif.

D’aucun n’accepteront pas cette interprétation et entendront limiter la portée de l’arrêt à la seule convention collective nationale des cadres de la métallurgie.

Toutefois la décision rendue semble bien devoir fixer la grille de lecture applicable à l’ensemble des dispositions conventionnelles existantes.

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Jean-Baptiste Vienne

Associé

Il assiste en conseil et en contentieux, une clientèle d’entreprises françaises et internationales.

Il a développé une expérience particulière dans le domaine des contentieux, tant individuels que collectifs, notamment en matière de discrimination, égalité de traitement, de risques psycho-sociaux et de sécurité au travail.