Par Jean-Baptiste-Guillot, Associé et Virginie Molho, Counsel

Le champ d'intervention des avocats mandataires sportifs significativement réduit par la Cour d’appel de Paris !

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 14 octobre 2021 (CA Paris 4, 13, 14-10-2021, n°20/1161) annule l’article P.6.3.0.3 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris qui permettait aux avocats mandataires sportifs d’exercer l’activité de mise en relation des joueurs et des clubs. Ainsi, l'avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut plus exercer l'activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni intervenir, dans la phase d'élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif.

A titre de rappel, le 2 juin 2020, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris avait créé au sein de son Règlement Intérieur un article P.6.3.0.3, aux termes duquel  « L’avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement. L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission »

Aux termes de cet article, les avocats mandataires sportifs peuventdonc exercer la mission de la mise en relation entre les parties.

Cette disposition avait été fortement contestée par les agents sportifs qui considéraient que les avocats ne pouvaient exercer une telle activité. De même, pour la Fédération Française de Football, la Fédération Française de Rugby et le Comité National olympique et sportif français, cette disposition entrait manifestement en contradiction avec plusieurs dispositions de la loi du 31 décembre 1971 sur la profession d'avocat et était également contraire à l’article L. 222-7 du Code du sport qui réserve le droit d’exercer l’activité d’agent sportif aux seuls détenteurs d’une licence délivrée par une fédération sportive délégataire. En conséquence, la FFF avait décidé de saisir le Parquet Général lequel, le 10 juillet 2020, a formé un recours en annulation contre la délibération du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris ayant adopté l’article P.6.3.0.3.

Par cet arrêt, la Cour d’appel de Paris relève que la combinaison des dispositions de la loi du 28 mars 2011 (modernisation de la profession d'avocat) et de l’article L. 227-7 du Code du sport permet de conclure que « seul l’agent sportif, qui doit obtenir une licence professionnelle pour exercer le rôle d’intermédiaire, a le pouvoir de mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, l'avocat mandataire sportif, pour sa part, ayant pour attributions de représenter, dans le cadre d'un mandat, les intérêts d'un sportif ou d'un club lors de la conclusion de ces contrats ».

D’autre part, la Cour d’appel rappelle que l’activité de mise en relation constitue une activité de courtage, par nature commerciale. Il est rappelé que toute activité commerciale exercée à titre principal est interdite aux avocats. Une telle activité commerciale ne peut être exercée par un avocat qu’à titre accessoire à son activité principale de conseil, d’assistance et de représentation. Or, la Cour d’appel précise que « la mise en relation des joueurs et des clubs constitue une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, lesquels qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs ».

Ainsi, la Cour conclut que l’avocat, en sa qualité de mandataire, ne peut exercer l’activité de mise en rapport des joueurs et des clubs, qui est une activité commerciale principale, ni donc intervenir, dans la phase d’élaboration des contrats, avant que les sportifs et les clubs aient été préalablement mis en relation par un agent sportif.

Enfin, la Cour d’appel se prononce sur les modalités de la rémunération des avocats mandataires sportifs. L’article P.6.3.0.3 prévoit la possibilité pour le joueur de donner mandat au club sportif de verser, en son nom et pour son compte, à l’avocat les honoraires correspondant à sa mission. Or, la Cour d’appel rappelle que l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 28 mars 2011 dispose en son dernier alinéa que « l’avocat agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d’un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client ». Selon les juges d’appel, la disposition prévoyant que l’avocat mandataire peut percevoir ses honoraires, non de la part de son client, mais de la part du club, qui est le cocontractant de son client, est source de conflit d’intérêts et est donc parfaitement contraire à la loi.

Aux termes de cet arrêt du 14 octobre 2021, l’article P.6.3.0.3 du RIPB doit en conséquence être annulé en son intégralité.

À suivre l’éventuel pourvoi en cassation qui pourrait être formé contre cet arrêt.

Jean-Baptiste-Guillot

Jean-Baptiste Guillot

Associé

Jean-Baptiste Guillot intervient en fusions-acquisitions, alliances stratégiques, droit commercial, droit des sociétés et des contrats, dans le cadre d'opérations le plus souvent internationales impliquant en particulier des entreprises canadiennes, britanniques et françaises.

Portraits GINESTIÉ MAGELLAN PALEY-VINCENT 2021

Virginie Molho

Counsel

Virginie a acquis une solide expertise dans le droit du sport lui permettant d’accompagner les acteurs de l’industrie sportive dans tout type de problématiques juridiques en droit commercial, droit des sociétés, droit des associations et droit social appliqués au sport.