Par Nicolas Lepetit, Associé et Julie Ebran, Collaboratrice 

Actualité en droit social : que s’est-il passé cet été ?

L’équipe de droit social du cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent expose l’actualité sociale à retenir à l’occasion de la rentrée !

Nouvelles mesures :

  • Mise à jour du règlement intérieur
  • Revalorisation du SMIC
  • Information des salariés nouvellement embauchés
  • Monétisation des JRTT

Jurisprudences de l’été :

  • Télétravail et déménagement : la prise en charge des frais de transport des salariés
  • Régime social et fiscal des indemnités transactionnelles

Nouvelles mesures 

Mise à jour du règlement intérieur

Les entreprises employant au moins 50 salariés sont tenues de mettre à jour leur règlement intérieur à effet au 1er septembre 2022, et en tout cas au plus vite, afin de tenir compte des modifications législatives récentes. Notamment, le règlement intérieur doit désormais rappeler l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte1.

Voir notre article complet ici.

Revalorisation du SMIC

Le SMIC horaire a été revalorisé à compter du 1er août 2022. Après avoir atteint 10,85 € bruts en mai 2022, il s’élève dorénavant à 11,07 € bruts.

Il convient donc d’opérer les revalorisations idoines, si nécessaire (exemple : le salaire des apprentis/stagiaires indexé sur le SMIC).

Information des salariés nouvellement embauchés

Depuis le 1er août 2022, toutes les entreprises françaises doivent respecter certaines obligations issues d’une directive européenne du 20 juin 20192, liées à l’information des salariés nouvellement embauchés.

Cette directive contient des règles et des concepts qui sont en réalité déjà applicables pour la plupart en droit du travail français. À cet égard, il ne devrait pas y avoir de changements significatifs dans les contrats de travail ou dans les pratiques des ressources humaines en France. Les contrats de travail les plus basiques doivent néanmoins être adaptés, et à tout le moins contenir des informations telles que l’identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales, par exemple.

Plus spécifiquement, les points d’intérêts de cette directive sont les suivants :

  • L’article 3 admet que l'information soit fournie aux salariés sous forme électronique, ce qui autorise explicitement l'employeur à communiquer sous cette forme les obligations contractuelles à ses salariés ;
  • L’employeur doit respecter de nouveaux délais concernant la fourniture des informations contractuelles obligatoires (entre 7 jours et 1 mois - article 5) ;
  • L’employeur doit fournir des informations concernant le délai de contestation de la rupture du contrat de travail (article 4.2.j et §18) ;
  • La directive limite l'utilisation des clauses d'exclusivité. Toutefois, en application de la réglementation française et européenne, la limitation à la liberté des salariés doit déjà être limitée et proportionnée au but recherché, ce qui semble correspondre aux cas d'exception autorisés par l'article 9.2 de la directive ;
  • La possibilité d’opérer une modification du contrat de travail de manière rétroactive pourrait être compromise (article 6).

Monétisation des JRTT

La loi de finances rectificative pour 2022, en date du 16 août 2022, a introduit la possibilité pour les salariés de demander à leur employeur le paiement de leurs jours de repos acquis du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025, dans un cadre social et fiscal avantageux.

A cet égard, et quelle que soit la taille de l’entreprise, l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour monétiser tout ou partie de certaines journées ou demi-journées de repos (autrement appelées « JRTT »).

Sont concernés les jours de repos liés à l’application d'une convention ou d'un accord collectif instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, ou en application d'un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des aménagements du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine3.

Le paiement de ces jours :

  • donne lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l'entreprise ;
  • ne s'impute pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ;
  • bénéficie du système de réduction de cotisations salariales et de déduction forfaitaire des cotisations patronales4 ;
  • bénéficie de l'exonération d'impôt sur le revenu dans la limite annuelle de 7.500 €.

Jurisprudences de l’été 

Télétravail et déménagement : la prise en charge des frais de transport des salariés

Si, par convenance personnelle, un télétravailleur s’éloigne de l’entreprise, doit-il bénéficier de la prise en charge de ses frais de transport, ou l’entreprise peut-elle conditionner ce remboursement à un critère d’éloignement géographique? C’est la question qui a été tranchée par le Tribunal judiciaire de Paris, dans un jugement en date du 5 juillet 20225.

Pour mémoire, l’employeur a l’obligation de prendre en charge 50% du coût de l’abonnement que ses salariés souscrivent pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos. La prise en charge s’impose dès lors que le salarié réalise effectivement des trajets entre son lieu de résidence habituelle et son lieu de travail. Tel est le cas du salarié qui alterne télétravail et travail sur site.

Selon le bulletin officiel de la sécurité sociale, cette obligation est de portée générale, et les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle par rapport à leur lieu de travail relève de la convenance personnelle doivent bénéficier de la prise en charge patronale.

La montée en puissance du télétravail régulier et le désir des salariés de s’éloigner des grandes villes peuvent rendre cette obligation coûteuse pour les employeurs. C’est ce qui a amené la société, dans cette affaire, à conditionner unilatéralement le remboursement des frais de transport à un éloignement géographique limité (le remboursement était exclu pour les trajets Paris-province d’une durée supérieure ou égale à 4 heures par jour, aller-retour).

Pour le Tribunal judiciaire, la défenderesse ne pouvait « pas alléguer l’éloignement géographique pour convenance personnelle du salarié afin de refuser le remboursement des frais de transports en commun ».

Ce faisant, la société a posé des conditions supra legem pour supprimer un avantage en nature au préjudice des salariés éloignés et a, par là même, institué une différence de traitement entre les salariés de l’entreprise.

Il est à noter qu’en l’espèce, il n’existait pas d’accord collectif prévoyant d'autres modalités de remboursement des frais de transport, tel que prévu par l’article L.3261-6 du Code du travail. Cette décision aurait-elle été différente si un accord collectif, validé par les partenaires sociaux, avait instauré un tel critère ? Il convient d’attendre que les juges se prononcent sur ce point.

Régime social et fiscal des indemnités transactionnelles

La Cour d’appel de Nancy7 valide le caractère indemnitaire (et donc l’exonération de charges sociales) de deux indemnités transactionnelles versées, pour l’une, après une démission, et pour l’autre, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée.

La première indemnité transactionnelle avait été versée à la suite de la démission d’un salarié intervenue alors qu’il faisait l’objet d’une procédure de licenciement disciplinaire. Après avoir notifié à la société sa démission, le salarié était revenu sur celle-ci, indiquant que cette décision avait été contrainte par la procédure disciplinaire menée à son encontre. Les parties ont finalement transigé.

Pour la Cour d’appel de Nancy, il existait entre les parties une contestation sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail. En conséquence, l’indemnité transactionnelle « ne constituait pas un élément de rémunération dû à l’occasion de la démission du salarié mais présentait un caractère indemnitaire, de sorte qu’elle ne doit pas entrer dans l’assiette des cotisations sociales ».

La seconde indemnité transactionnelle avait été versée dans le cadre d’une demande de requalification de CDD en CDI, après que l’ancien salarié eut saisi le Conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits. 

La transaction indiquait bien que l’indemnité compensait « l’ensemble des préjudices matériels et moraux au titre de la conclusion, de l’exécution et des ruptures des contrats de travail à durée déterminée ». Ainsi, la Cour d’appel a considéré que la société rapportait bien la preuve que l’indemnité transactionnelle compensait « le préjudice subi pour non-respect des dispositions relatives aux CDD, de sorte qu’ayant un fondement exclusivement indemnitaire cette indemnité n’entre pas dans l’assiette des cotisations ».

Ces précisions sont salutaires dans un domaine où l’incertitude règne encore trop souvent quant à la position à adopter face aux règles relatives aux régimes social et fiscal des indemnités transactionnelles.


1 - Article L. 1321-2 du Code du travail.

2 - La directive 2019/1152 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne est devenue directement applicable en France à compter du 1er août 2022, faute d’adoption de textes visant à la transposer.

3 - Articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du Code du travail.

4 - Articles L.241-17 et 241-18 du Code de la sécurité sociale.

5 - TJ Paris, 5 juillet 2022, n° 22/04735.

6 - Articles L. 3261-1 et suivants et R. 3261-1 et suivants du Code du travail. Ce dispositif ne distingue pas les salariés travaillant sur site et les télétravailleurs. 

7 - Cour d’appel de Nancy, 5 juillet 2022, n°20/02290.

 

Nicolas-Lepetit

Nicolas Lepetit

Associé

Avant de rejoindre Ginestié Magellan Paley-Vincent, Nicolas Lepetit a exercé au cabinet Legrand Bursztein Beziz et avocats (LBBa), puis au cabinet Bersay & Associés pendant plus de 10 ans et en dernier lieu en qualité de Of Counsel.